Albrecht Dürer

«Il n’y a nulle honte à apprendre, car un bon travail exige de bons conseils

- Albrecht Dürer, 1520

Maître de la peinture, de la gravure et de l’orfèvrerie, théoricien de l’art et savant humaniste, Albrecht Dürer incarne l’idée de l’homme de la Renaissance : il ne cesse de chercher, d’apprendre, d’enseigner et d’augmenter son vaste répertoire de connaissances tant artistiques que scientifiques. C’est aussi un pionnier car il compte beaucoup de premières à son actif. Il est le premier artiste à créer une série d’autoportraits et à peindre le paysage d’un lieu particulier; il est aussi, le premier plaignant à avoir engagé une poursuite pour violation du droit d’auteur, qu’il gagne effectivement. La tradition de l’histoire de l’art le reconnaîtra toujours comme l’artiste ayant fait connaître la Renaissance italienne à l’Europe du Nord.

Né d’un père orfèvre, Dürer compte 17 frères et sœurs dont seulement deux survivent avec lui jusqu’à la vie adulte. Privilégié à un jeune âge, il est envoyé à l’école pour apprendre à lire et à écrire. Par la suite, il est apprenti dans l’atelier d’orfèvre de son père. À 15 ans, après avoir développé son intérêt et son talent pour la peinture, il suit un apprentissage chez le peintre-graveur Michael Wolgemut qui est alors le plus grand artiste de Nuremberg. L’atelier de Wolgemut produit des tableaux et des gravures sur bois, et conçoit et crée des vitraux. Chose intéressante, les gravures sur bois produites dans l’atelier sont souvent préparées pour des livres qui seront publiés par le parrain de Dürer, Anton Koberger. Il faut mentionner que Koberger possède une vaste collection d’illustrations et de livres anciens et nouveaux que Dürer peut consulter.

Après trois ans d’apprentissage chez Wolgemut, Dürer prend la route et quitte Nuremberg pour voyager en Europe et travailler dans divers ateliers de maîtres. On sait que, durant cette période, il se rend à Colmar et à Bâle, et on soutient qu’il a voyagé aux Pays-Bas et peut-être également le long du Rhin jusqu’à Cologne. Des voyages aussi nombreux à un si jeune âge laissent leur marque sur l’artiste en devenir et nourrissent en lui une soif de voir et de connaître le monde dans lequel il vit. De retour à Nuremberg en 1494, Dürer épouse Agnès Fry, la fille d’un chaudronnier prospère. Sachant qu’il avait encore tant à voir et à vivre, Dürer part pour l’Italie quelques semaines après son mariage, laissant sa jeune épouse à Nuremberg.

Venise, la porte de l’Est, est un riche port de commerce qui stimule sans fin le jeune artiste. Toutefois, par-dessus tout, il y a les artistes de Venise qui retiennent son attention. Leurs œuvres et, en particulier leur emploi de la couleur, influencent rapidement et radicalement sa palette. Dürer impressionne bientôt les Vénitiens avec sa peinture, comme on le découvre dans une lettre qu’il écrit à un ami : « J’ai clos le bec de tous les peintres qui avaient l’habitude de dire que j’étais bon graveur, mais pauvre coloriste. » De retour à Nuremberg, il crée un atelier prospère, embauchant des apprentis et acceptant plusieurs importantes commandes de tableaux et de gravures ainsi que quelques vitraux.

Dürer est un artiste ouvert au changement, aux possibilités, aux influences et aux muses de la nouveauté. De fait, il semble que presque tout le pousse à créer. On a interprété sa célèbre gravure La Mélancolie comme l’illustration de l’émergence, durant la Renaissance, de l’idée selon laquelle la mélancolie était un trait de caractère typique des grands penseurs et artistes. Le problème des proportions du corps humain, soulevé durant ses voyages en Italie, persiste durant toute sa carrière et culmine dans la publication de l’Introduction sur la manière de mesurer et les quatre livres du Traité des proportions du corps humain, publication posthume. On peut voir les fruits de son étude des proportions du corps humain dans la gravure Adam et Ève. Cette gravure parmi d’autres nous permet également de comprendre la dimension spirituelle de l’artiste; en effet, plusieurs de ses œuvres ne se prêtent à une interprétation approfondie que par la compréhension de leur iconographie religieuse. Ses écrits abordent d’autres univers que celui des arts, comme son Traité des fortifications des villes, châteaux et autres collectivités. C’est grâce à la diversité de son influence – son atelier, ses apprentis, ses commandes, ses livres et ses voyages – que Dürer a fait connaître les leçons de la Renaissance italienne dans toute l’Europe du Nord

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Photo : Scala / Art Resource, NY