Christopher Pratt

Quant aux origines de mon œuvre, je pense qu’il est juste de dire qu’elle est essentiellement autobiographique. Je le souligne, car l’histoire de l’art ou de l’art pour l’art ne m’ont jamais vraiment préoccupé, et mon œuvre surgit essentiellement de mon milieu, mais il faut donner à ce terme un sens très large. Ce n’est évidemment pas juste mon milieu géographique, malgré toute son importance, c’est aussi mon milieu social, le milieu familial de mon enfance, les souvenirs qui y sont liés et les expériences qui en ont découlées. C’est aussi le monde des choses que j’ai lues et dont j’ai fait la rencontre par la suite. Mais, en réalité, mon œuvre est une réponse à ma vie.

- Novembre 2004

Christopher Pratt était l’un des plus grands peintres et graveurs canadiens. Résidant de la baie St. Mary’s à Terre-Neuve, près de la rivière Salmonier, il était très conscient de son identité de Terre-neuvien. L’île, sa culture, sa géographie et son climat ont exercé une grande influence sur son œuvre.

Dans ses tableaux, Pratt explore plusieurs thèmes : les paysages, les vues routières, l’architecture, les paysages marins, les bateaux, les intérieurs et la figure humaine. Grâce à ces œuvres, il nous présente sa vision de Terre-Neuve et nous incite à réfléchir à l’influence transformatrice du progrès et du monde moderne sur l’île.

Ses images sont en grande partie imaginaires. Inspirées par les souvenirs des gens, des lieux et des événements qu’il épure et clarifie dans sa quête d’ordre et de simplicité, elles se situent entre fiction et réalité. Ses tableaux possèdent ainsi un caractère magnifié et intemporel. Pour y parvenir, Pratt se concentre sur les éléments abstraits du dessin, dont la planéité de la surface et la composition de face. Il organise très soigneusement ses tableaux et les exécute avec précision. Il élime tout superflu du sujet. Cette abstraction rend le banal archétypal. Pratt a toujours cru à l’immense présence de l’ordinaire. Il exalte le non-exotique, l’anti-pittoresque. La lumière joue un rôle fondamental dans son œuvre. Dans les années 1970, sa découverte de Early Sunday Morning, un tableau du peintre américain Edward Hopper, le lance dans une réflexion sur les caractéristiques de la lumière naturelle et artificielle.

Le travail de Pratt suscite rarement une interprétation politique, pourtant des préoccupations de cette nature sous-tendent plusieurs de ses tableaux. Parce qu’il est un témoin contemporain des événements et des circonstances qui font évoluer Terre-Neuve et le Labrador, on peut considérer plusieurs de ses œuvres comme des récits de la transformation des modes de vie traditionnels, comme l’illustre bien Deer Lake: En souvenir de Junction Brook, 1999, dans la collection du Musée. Ce tableau commémore la rivière Junction Brook, disparue lors de la construction d’un barrage pour la dérivation de ses eaux vers la centrale électrique de Deer Lake.

Pratt étudie d’abord l’aquarelle en 1952. Puis, en 1953, il fréquente l’Université Mount Allison à Sackville (Nouveau-Brunswick), comme étudiant en année préparatoire de médecine. Il s’y intéresse rapidement aux beaux-arts, surtout à la peinture. Lawrence P. Harris et Alex Colville l’encouragent à peindre. Pratt y rencontre également sa future épouse, Mary (West) Pratt. De 1957 à 1959, Pratt étudie à l’école d’art de Glasgow en Écosse et revient à Terre-Neuve durant l’été pour travailler comme arpenteur géomètre à la base navale américaine d’Argentia. Sa formation en mesure de  précision, il l’applique à ses tableaux. En 1959, Pratt retourne à l’Université Mount Allison pour y obtenir son baccalauréat en beaux-arts en 1961. Durant cette période, il commence à réaliser des sérigraphies, dont l’une des premières, Bateau dans le sable, 1961, est présentée lors de la 4e Biennale du Musée des beaux-arts du Canada. Elle se trouve maintenant dans la collection du Musée.

De 1961 à 1963, Pratt travaille comme conservateur et donne des cours du soir à la toute nouvelle Galerie d’art de l’Université Memorial (aujourd’hui la Art Gallery of Newfoundland and Labrador). Sa première exposition solo s’y déroule en 1965.

Au fil des ans, il présente son travail tant au pays qu’à l’étranger et, de sa longue liste d’expositions, mentionnons : celle de New York en 1976, celle de la Galerie du Centre culturel de la Maison du Canada à Londres, qui fait une tournée à Paris, Bruxelles et Dublin de 1982 à 1983, celle de la 49th Parallel Gallery de New York en 1988, et celle de 2005 au Musée des beaux-arts du Canada.

En 1992, un incendie détruit son atelier. Cet événement marque son travail ultérieur. Les tableaux qu’il réalise par la suite manifestent une grande immédiateté et semblent parfois ne rien présager de bon. Pratt y traduit les événements récents de sa vie. Il adopte alors un nouveau thème : les vues routières inspirées de ses voyages. Son amour de la voile, une autre source d’inspiration, est une constante dans son travail.

Sa carrière est jalonnée de prix et d’honneurs. En 1954, à l’âge de 30 ans, Pratt devient associé de l’Académie royale des arts du Canada (ARAC) et membre de la Société canadienne des arts graphiques (aujourd’hui, le Conseil canadien de gravure et de dessin). En 1969, il est membre du jury d’arts visuels du Conseil des Arts du Canada. En 1973, Pratt est fait officier de l’Ordre du Canada et, en 1983, il devient compagnon de l’Ordre du Canada.

De nombreux comités et conseils ont fait appel à ses services, dont le Comité consultatif de design de la Société canadienne des postes (aujourd’hui, le Comité consultatif des timbres-poste) (1972-1975) et le conseil d’administration du Conseil des Arts du Canada (1975-1981). En 1980, Pratt conçoit le drapeau provincial de Terre-Neuve et du Labrador.