Honoré Daumier
"Me voici donc à Pélagie, charmant séjour où tout le monde ne s’amuse pas. Mais moi, je m’y amuse, quand ce ne serait que pour faire de l’opposition... à part cela, la prison ne me laissera aucun souvenir pénible, au contraire... Je travaille quatre fois plus en pension que je ne faisais lorsque j’étais chez mon papa. Je suis accablé et tyrannisé par une foule de citoyens qui me font faire leur portrait... Ne me parle pas politique, parce que les lettres sont décachetées."
- Daumier, de la prison de Sainte-Pélagie à son ami Jeanron (Genron), le 18 octobre 1832; publié dans Arsène Alexandre, H. Daumier. L’homme et l’œuvre, Paris, H. Laurens, 1888, p. 54-55.
Honoré Daumier connaît le succès comme caricaturiste professionnel pour des publications satiriques françaises. Dans sa vie privée, il est un peintre novateur dont les tableaux pleins de vie deviennent célèbres après sa mort. Ses caricatures lithographiques, ses critiques bien senties de la société et du gouvernement de l’époque, sont magnifiquement dessinées. Il compte parmi les premiers artistes français à sculpter des caricatures.
Daumier développe sa sympathie pour les pauvres et les opprimés en travaillant comme garçon pour un huissier. Il étudie le dessin à Paris auprès de Alexandre Lenoir et à l’Académie suisse. Il apprend la lithographie comme assistant du lithographe Béliard et peut avoir appris l’abc de la peinture à l’huile de son père, un vitrier et fabricant de cadres qui parfois restaurait des tableaux. Sa technique inusitée, en avant de son temps, suggère qu’il est en grande partie autodidacte (L’homme à la corde, 1860). Il peint surtout pour son propre plaisir. Ses premiers tableaux comprennent des copies de Rubens et Millet.
Né à Marseille, Daumier s’installe à Paris en 1816. À compter de 1832, le journal satirique La Caricature (plus tard Le Charivari) publie ses lithographies critiquant le gouvernement du roi Louis-Philippe. Elles le mènent donc en prison durant six mois en 1832-1833. Imperturbable, il réalise des lithographies grand format pour l’Association mensuelle, (Rue Transnonain, le 15 avril 1834). Après le bannissement de la caricature politique par le gouvernement en 1835, Daumier cible la société française dans quelque 4 000 lithographies caricaturales et dessins pour des gravures sur bois (Trois juges en séance, dessin). Ses tableaux représentent des sujets similaires (Le wagon de troisième classe, 1863-1865), ainsi que de la mythologie et de la littérature. Il sculpte en terre cuite des caricatures de politiciens et des statuettes de ses partisans. Daumier meurt pauvre, malgré l’appui de Corot et de Victor Hugo.

Honoré Daumier (1808-1879)
v. 1872, tiré v. 1965