Jacques de Tonnancour
« Cette tension dramatique entre ce que l’on appelle le sujet et le peintre me torture et me séduit à la fois […] Et ce qui compte le plus pour moi […] c'est la conviction que je dois prendre la nature et lui tordre le cou – la prendre d'abord puis tordre implacablement. » (1945)
Dans sa jeunesse, le peintre, photographe, écrivain et entomologiste québécois Jacques de Tonnancour prévoit se consacrer à l’illustration de la nature. Mais son parcours artistique, inspiré par cette même nature, le mène d’abord vers la peinture de paysages et de natures mortes et, ensuite, vers l’abstraction où il expérimente avec le collage et la « peinture-écriture ». Membre actif de la Société d’art contemporain, écrivain prolifique et enseignant dans plusieurs institutions du pays, de Tonnancour influence de nombreux cercles et générations d’artistes canadiens.
Jacques de Tonnancour s’inscrit à l’École des beaux-arts de Montréal en 1937, mais abandonne trois ans plus tard, déplorant son conservatisme. Il loue un atelier avec quelques amis et commence à étudier les œuvres d’autres peintres, notamment celles de Goodridge Roberts, artiste à qui il consacrera une monographie. En 1945, de Tonnancour obtient une bourse du gouvernement du Brésil et s’installe pendant seize mois à Rio de Janeiro. Il crée de nombreuses toiles importantes inspirées par son environnement luxuriant exotique (Pain de sucre, Rio de Janeiro, 1946). À son retour au Canada, de Tonnancour est désenchanté du paysage plus familier de son pays natal et se tourne vers la nature morte et des études de personnages fortement influencées par Picasso et Matisse, comme Jeune fille assise II (1953). Au milieu des années 1950, des voyages dans les Laurentides, le nord de l’Ontario et à Vancouver ravivent sa passion pour le paysage canadien et ses grands espaces. Sa démarche pour représenter ces derniers le mène à développer, à partir de 1959, sa technique du « squeegee ». L’abstraction suivra peu après, quand il explore les techniques mixtes et les « hiéroglyphes » dans des œuvres tardives comme Épitaphe (1968). Des participations à des conférences en Amérique du Sud dans les 1980 renouvellent son intérêt pour l’entomologie et il abandonne la peinture pour se consacrer à la collection et la photographie d’insectes.
Dans les dernières années de sa carrière, Jacques de Tonnancour recevra de nombreuses prestigieuses commandes publiques et privées. Il enseigne à différentes époques à l’Université du Québec à Montréal, à la University of British Columbia et à la Mount Allison University. Les universités Concordia et McGill lui décernent des doctorats honorifiques. Il est nommé Officier de l’Ordre du Canada en 1979 et reçoit l’Ordre du Québec en 1993.