Rita Letendre

"Ma peinture est non figurative, abstraite, peut-être qu’elle est lyrique. Toute cette terminologie importe peu. Ce qui importe, c’est le tableau. Quand on regarde un tableau, on regarde quelque chose de vrai et c’est ce qui compte."

- Rita Letendre

Le travail de Rita Letendre suscite l’attention au début des années 1950 par son association à Paul-Émile Borduas et aux artistes abstraits de Montréal connus sous le nom d’automatistes. Leur principal objectif : libérer la force créative grâce à la surface picturale. Si leur influence joue un rôle important dans la révolution de son style, Letendre élabore une vision singulière dans son corpus qui lui vaut une réputation internationale et une longue histoire d’exposition.

En 1941, des difficultés économiques poussent sa famille nombreuse à déménager de Drummondville à Montréal. Elle commence à suivre les cours de l’École des beaux-arts de Montréal en 1948, mais rejette l’accent mis sur la représentation figurative traditionnelle en faveur de modèles plus novateurs. Quittant cette école conservatrice, elle s’associe au milieu naissant de l’art d’avant-garde de Montréal et découvre l’art surréaliste, automatiste et abstrait. Letendre s’inspire des intentions de Borduas qui encourage l’autodétermination et la création de nouveaux vocabulaires visuels. Dès le début des années 1950, elle expose de petites gouaches abstraites. Sa participation à l’exposition des automatistes en 1954, La matière chante, est un moment crucial dans sa carrière. Cette exposition attire l’attention publique sur le mouvement abstrait qui est jusqu’ici négligé par les grandes institutions du Québec. En 1955, Letendre expose dans Espace 55 au Musée des beaux-arts de Montréal. Son travail provoque la désapprobation de Borduas qui revint de New York pour voir cette exposition importante. Il critique ses tableaux parce qu’ils sont " trop géométriques et rationnels " et infidèles à ses idées.

Ces premiers tableaux de Letendre comprennent des couleurs vibrantes qui définissent de libres motifs de formes géométriques répétées, évocatrices de mouvement. De plus en plus, elle centre son travail sur l’espace et la tension, un indice de son plus grand engagement envers la forme, c’est-à-dire d’un abandon progressif du style automatiste abstrait vers le mode géométrique plus ordonné des plasticiens. Les plages colorées sont brisées et élargissent, alors que la réduction du nombre de couleurs permet de créer un sentiment d’intensité. Les surfaces sont plus séduisantes avec des touches gestuelles denses qui évoquent des émotions brutes, l’impatience et l’énergie. On a suggéré que ces changements étaient sans doute provoqués par l’intérêt grandissant de l’artiste pour son patrimoine autochtone. Dans les années 1960, Letendre rejoint un public international en exposant à New York et au Musée des beaux-arts du Canada.

L’artiste a dit que son travail repose sur les métaphores de la lumière, de l’ombre et du mouvement dans un engagement permanent envers la découverte de soi-même. Atara (1963) représente un combat explosif entre des champs de rouges volcaniques et une masse noire déchiquetée. Dans ce tableau, la lumière est libérée d’une éclipse d’obscurité. Letendre veut suggéer que, dans cette éternelle rencontre des forces, la lumière échappe au néant et ainsi survit.

Letendre a voyagé et vécu en France, en Israël, en Italie et aux États-Unis avant de s’établir à Toronto en 1970.