Yves Gaucher

"La musique et la poésie m’ont influencé davantage que la peinture. Surtout la musique de Webern... Je voulais faire en gravure ce qu’il a fait en musique : élaborer une rythmique visuelle avec des contre-rythmes constitués par l’effet percutant de la couleur."

Yves Gaucher

Dans ses œuvres abstraites, Yves Gaucher évoque l’expérience et les sentiments humains par une compréhension des qualités esthétiques de la ligne, de la couleur, de la texture, de la lumière et du volume. Par l’interaction du spectateur avec ses œuvres, il veut communiquer le sentiment d’une présence et encourager la conscience de soi.

Gaucher étudie à l’École des beaux-arts de 1954 à 1956. Un an plus tard, il y retourne pour étudier la gravure auprès d’Albert Dumouchel. Brisant les conventions, il crée une nouvelle technique controversée appelée le relief dense. Lorsque son travail est vivement critiqué, il déclare contester les traditions qu’il qualifie de "tabous".

Malgré son mode d’expression inhabituelle, Gaucher connaît le succès dès le début de sa pratique. En 1957, il présente sa première exposition solo à la Galerie l’Échange de Montréal et, en 1960, il est président fondateur de l’Association des peintures-graveurs de Montréal. Deux ans plus tard, il reçoit une bourse du Conseil des Arts du Canada pour voyager en Europe. À Paris, il découvre la musique d’Anton Webern qui changera radicalement sa perception du son et des images dans l’espace. Il cherchera alors à se libérer des relations géométriques rationnelles en utilisant des motifs irréguliers et des couleurs contrastantes. En jouant avec le relief positif et négatif, la ligne brisée et une palette soigneusement choisie sur des papiers divers, Gaucher crée des images qui rappellent les rigoureuses notes atonales des compositions musicales qui l’ont inspiré.

En 1964, il s’éloigne de la gravure et réexamine l’art des expressionnistes abstraits de New York, dont Barnett Newman et Mark Rothko. Attiré par leurs formes simplifiées, les aplats de couleur et les grandes toiles, il commence à créer des œuvres qui possèdent des affinités structurelles à cette esthétique moderniste tardive. Toutefois, au lieu d’un art de la transcendance, Gaucher cherche à créer une épiphanie incarnée.

Puis l’artiste s’intéresse aux relations mathématiques. Il utilise la symétrie et le motif pour explorer la surface de la toile. Plus tard, il expérimentera les relations spatiales inhabituelles qui évolueront vers ses œuvres monochromes.

En 1970, Gaucher commence à peindre de larges bandes horizontales de couleurs contrastantes dans un style qu’on appellera peinture par bande de couleur. Plusieurs années plus tard, il explorera la diagonale et disposera des aplats de couleurs antagonistes pour perturber l’espace afin d’exprimer son intérêt dans la théorie du chaos. Ses dernières œuvres mettent l’accent sur le contraste des couleurs et la perturbation du rythme.

Gaucher a enseigné à l’Université Concordia à Montréal et, en 1980, est fait officier de l’Ordre du Canada. Il a été l’un des chefs de file de la renaissance de la gravure au Québec dans les années 1950 et 1960.