Ursula JohnsonClôture à orignal, 2017, Bois d’œuvre, clôture, barrière anti-cervidés, éclairage programmé, et Relocalisation, 2017, motif répété imprimé sur vinyle adhésif. Commande originale de Partners in Art pour Repères2017. Vue de l’installation à l’Art Museum at the University of Toronto, dans le cadre de l’exposition du Prix Sobey pour les arts 2017, à l’affiche jusqu’au 9 décembre 2017. Photo : Musée des beaux-arts du Canada

Ensemble, pour le meilleur et pour le pire : les cinq finalistes du Prix Sobey pour les arts 2017 livrent leur point de vue sur la communauté

Le concept de « communauté » est à double-tranchant. Si le groupe soutient ses membres en favorisant leur accomplissement personnel, il peut aussi en exclure certains en nuisant à leur épanouissement. Le fil qui relie les pratiques artistiques des finalistes du Prix Sobey pour les arts 2017 est une conscience aigüe des succès et des échecs de la vie en communauté.

Créé en 2002, le Prix Sobey pour les arts stimule la carrière d’artistes canadiens exceptionnels ainsi que les conversations variées inspirées par leur travail. Cette année, les finalistes analysent avec soin nos relations réciproques — personnelles et nationales, humaines et animales, individuelles et collectives — en admettant la réalité passée et actuelle de l’existence de malentendus, d’erreurs et d’incongruités.

Les créations des cinq finalistes du Prix Sobey pour les arts 2017 sont exposées à l’Art Museum at the University of Toronto en partenariat avec le Musée des beaux-arts du Canada.

Divya Mehra (Prairies et Nord) nous invite à prendre acte de la présence très réelle du racisme et des stéréotypes ethniques au sein de la société canadienne. Née à Winnipeg de parents ayant émigré d’Inde, elle peut témoigner de cette dangereuse réalité. Symbolisant l’échec du rêve américain, une Jaguar de collection écrasée, couleur or, accapare sa section de l’exposition. Divers objets personnels, dont la base en cuivre d’une statue du dieu Ganesh, côtoient la voiture. La statue elle-même a été sciée de sa base et volée au restaurant de sa famille.

Divya Mehra, Je suis le rêve américain (et toujours une Paki) / Série de séminaires sur la race, la destruction et les nombreuses vies après la mort d’une Paki : conversation privée un à un avec votre représentant tout sauf idéal,2010/2017, Jaguar Vanden Plas 1987 or, et, Quelles sont vos idées à propos des Indiens, parce que je vais vous laisser tomber (c’est une situation perdant-perdant), 2017, vinyle adhésif. Georgia Scherman Projects, Toronto.  Vue de l’installation à l’Art Museum at the University of Toronto, dans le cadre de l’exposition du Prix Sobey pour les arts 2017, à l’affiche jusqu’au 9 décembre 2017. Photo : Musée des beaux-arts du Canada

 

Pour l’artiste originaire de la Première Nation micmaque Ursula Johnson (Provinces atlantiques), toutes les communautés ont une dimension qui dépasse l’humain. L’artiste s’intéresse à la perte de contact grandissante des gens avec leurs traditions et avec la vie végétale et animale. Moose Fence [Clôture à orignal], une installation créée spécialement pour l’exposition, aborde les vices de conception des clôtures pour orignaux qui bordent les autoroutes de l’est du Canada. Pensées pour aider ces ongulés à traverser la route, ces objets ont une structure terrifiante à sens unique qui fragmente et piège souvent les populations animales.

Ursula JohnsonClôture à orignal, 2017, Bois d’œuvre, clôture, barrière anti-cervidés, éclairage programmé, et Relocalisation, 2017, motif répété imprimé sur vinyle adhésif. Commande originale de Partners in Art pour Repères2017. Vue de l’installation à l’Art Museum at the University of Toronto, dans le cadre de l’exposition du Prix Sobey pour les arts 2017, à l’affiche jusqu’au 9 décembre 2017. Photo : Musée des beaux-arts du Canada

 

Délibérément difficiles à décoder, les œuvres textuelles de Raymond Boisjoly (Côte Ouest et Yukon) visent à présenter ce qu’il appelle des « modèles de malentendus ». L’artiste d’ascendance québécoise et haïda s’intéresse aux moyens de représenter l’appartenance autochtone, et l’expérience de cette différence, par des concepts plutôt que par des stéréotypes visuels, par exemple des perles et des mâts totémiques. Dans son installation, le mot discordancy [discordance] est imprimé sur des feuilles de papier de couleur suffisamment distantes les unes des autres pour que le mot soit à peine lisible.

Raymond Boisjoly, nouvelles figures d’une autre brève (non) relation, 2017, impressions au jet d’encre et agrafes. Catriona Jeffries, Vancouver. Vue de l’installation à l’Art Museum at the University of Toronto, dans le cadre de l’exposition du Prix Sobey pour les arts 2017, à l’affiche jusqu’au 9 décembre 2017. Photo : Musée des beaux-arts du Canada

 

Bridget Moser (Ontario) crée des vidéos et des performances qui s’inspirent d’interactions sociales bizarres. Elle a perfectionné son personnage avec Doored, un collectif artistique d’avant-garde et une série d’événements. Les deux vidéos réalisées pour l’exposition la mettent en scène jonglant avec toutes sortes d’articles de consommation banals, choisis en fonction des couleurs 2016 de Pantone, Rose Quartz et Serenity. Gougounes roses au pied, elle philosophe sur des situations sociales, chante en play-back avec un sèche-cheveux rose et s’enroule dans un tapis rose à poils longs.

Bridget Moser, Toute pièce est une salle d’attente 1re partie, 2017, projection vidéo, 12 min en boucle. Vue de l’installation à l’Art Museum at the University of Toronto, dans le cadre de l’exposition du Prix Sobey pour les arts 2017, à l’affiche jusqu’au 9 décembre 2017. Photo : Musée des beaux-arts du Canada

 

La beauté simple de la communauté est au cœur des vidéos et des photos de Jacynthe Carrier (Québec). « Cette nomination, c’est moi, mais c’est aussi tous les gens avec lesquels je travaille », dit-elle. Sa vidéo Script (2014) met en scène des personnes assises sur de grandes estrades en bois occupées à de mystérieuses tâches. La caméra prend des plans serrés de deux mains formant des amas de sciure, puis d’autres mains coupant de la ficelle, sans jamais révéler la finalité de leur travail. Plutôt que de se concentrer sur le produit fini du labeur, la vidéo s’attache à présenter la poésie de la forme humaine : la façon dont les parties du corps effleurent l’environnement et entrent en contact avec lui.

Jacynthe Carrier, Script, 2014, banc de bois, installation vidéo, couleur, son, 34 min en boucle. Galerie Antoine Ertaskiran, Montréal. Vue de l’installation à l’Art Museum at the University of Toronto, dans le cadre de l’exposition du Prix Sobey pour les arts 2017, à l’affiche jusqu’au 9 décembre 2017. Photo : Musée des beaux-arts du Canada

 

Les œuvres visuelles des finalistes du Prix Sobey pour les arts 2017 expriment les défis que doivent relever les communautés de l’ensemble du Canada : le racisme (Divya Mehra), les abus environnementaux (Ursula Johnson) et les malentendus (Raymond Boisjoly). Elles nous rappellent aussi que les combats bizarres que nous livrons pour nous intégrer à la société ne sont pas solitaires (Bridget Moser) et qu’il existe une célébration collective dans le travail en commun (Jacynthe Carrier) — une beauté du contact qui transcende la simple productivité.

Les œuvres des cinq finalistes du Prix Sobey pour les arts 2017 sont exposées jusqu’au 9 décembre 2017 à l’Art Museum at the University of Toronto. La lauréate, Ursula Johnson, est la première artiste des Provinces atlantiques à avoir obtenu le Prix Sobey depuis sa création, en 2002. Ce prix lui a été décerné le 25 octobre.

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