
Alex Janvier, Décoder le langage du ciel (détail), 2009, aquarelle sur papier, 45.7 cm (diamètre). Avec l’autorisation de l’artiste et de la Janvier Gallery, Premières Nations de Cold Lake. © Alex Janvier. Photo : MBAC
L’exposition Alex Janvier commence sa tournée du pays à la MacKenzie Art Gallery de Regina
L’œuvre du prolifique Alex Janvier, l’un des artistes contemporains les plus respectés du Canada, a été présentée récemment au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) dans le cadre de l’une des rétrospectives les plus vastes et complètes à lui être consacrées. Le MBAC, avec ses nouvelles salles d’art canadien et autochtone entièrement réaménagées, entend plus que jamais collaborer avec les institutions de partout au pays afin de mettre en valeur toute la diversité de l’art et des artistes canadiens. Si vous avez manqué la très courue exposition Alex Janvier au MBAC, sachez que celle-ci a entamé une tournée pancanadienne dans de multiples musées par un arrêt à la MacKenzie Art Gallery à Regina, en Saskatchewan.

Alex Janvier, Nehobetthe [la terre avant leur arrivée], 1992, acrylique sur toile, 213 × 604 cm. Avec l’autorisation de l’artiste et de la Janvier Gallery, Premières Nations de Cold Lake. © Alex Janvier. Photo : MBAC
La préparation d’une version de tournée de cette exposition fascinante a présenté de nombreux défis muséologiques. Que l’on s’imagine seulement le travail que représente le passage de 154 œuvres à 97 pour l’ajuster à des espaces plus petits sans diluer l’intensité du récit. Le résultat, fruit de la coopération entre Greg Hill, conservateur principal Audain, Art indigène au MBAC, et Michelle LaVallee, conservatrice à la MacKenzie Art Gallery, est exceptionnel.
« C’était la première fois que nous coordonnions une exposition de tournée de cette complexité », explique Michelle LaVallee en entrevue à Magazine MBAC. « Nous avons dû l’adapter à notre espace et prendre quelques décisions difficiles, puis l’installer dans un lieu nouveau sans qu’aucune rupture ne paraisse. J’aime beaucoup cette possibilité de diffusion des expositions entre institutions et je suis très heureuse de la transformation à laquelle nous sommes parvenus. »
Greg Hill acquiesce. « Comme il s’agit de la première étape de la tournée, et que Michelle a une étroite relation de travail avec l’artiste, je me suis fié à sa sensibilité et à sa connaissance de l’œuvre et des espaces de la MacKenzie Art Gallery. »

Alex Janvier, Décoder le langage du ciel, 2009, aquarelle sur papier, 45.7 cm (diamètre). Avec l’autorisation de l’artiste et de la Janvier Gallery, Premières Nations de Cold Lake. © Alex Janvier. Photo : MBAC
Présentée dans trois salles différentes, l’exposition est conçue en un parcours que les visiteurs peuvent suivre dans la direction qu’ils veulent. Mme LaVallee remarque que c’est un choix logique pour la présentation des œuvres d’un artiste autochtone dont la perception du monde est globale et circulaire. Alex Janvier est également célèbre pour sa maîtrise du format circulaire, que l’on voit dans des tableaux comme English Bay ouest, (1979) et Décoder le langage du ciel, (2009). Son œuvre circulaire la plus connue est sans doute l’éblouissante Étoile du matin-Gambeh Then’ (1993), un dôme peint que l’on peut admirer en permanence au Musée canadien de l’histoire à Gatineau, au Québec. Capté sur vidéo, le dôme est magnifiquement projeté à grande échelle dans l’exposition.
Les visiteurs pourront également voir quelques-unes des œuvres les plus célèbres d’Alex Janvier caractéristiques de son style sans équivalent. Remarquables par leurs couleurs vives, leur iconographie dénée et leurs formes abstraites, elles évoquent sa terre natale dans le nord de l’Alberta et portent de puissants messages sur la vision qu’a l’artiste du monde qui l’entoure. L’une d’elles est Lubicon (1988), qui traduit son indignation face au traitement réservé par le gouvernement fédéral et les sociétés d’extraction des ressources à la Première Nation du Lac-Lubicon.

Alex Janvier, Pensionnaire indien – le chemin de croix – Anglais contre Français, 2014, aquarelle sur papier, 76.2 x 58.4 cm; encadré 93.89 x 73.66 cm (37 x 29 pouces). Avec l’autorisation de l’artiste et de la Janvier Gallery, Premières Nations de Cold Lake. © Alex Janvier. Photo : MBAC
On verra en outre des peintures de la série Pomme, un terme péjoratif pour un « Indien » nord-américain de qui l’on dit qu’il pense comme / ou soutient les hommes blancs (rouge à l’extérieur, blanc à l’intérieur). Le terme a parfois été accolé de façon blessante aux survivants des pensionnats autochtones, y compris Alex Janvier. La série comprend des œuvres comme Usine à pommes qui explore le thème de l’oppression du système des pensionnats. De l’âge de 8 à 18 ans, Alex Janvier a fréquenté la Blue Quills Residential School à Saint-Paul, en Alberta, et a souvent parlé des conséquences de cette époque sur sa vie.

Alex Janvier, Groupe indien des huit : Daphne Odjig, 2011, acrylique sur toile, 215 x 153 cm. Avec l’autorisation de l’artiste et de la Janvier Gallery, Premières Nations de Cold Lake. © Alex Janvier. Photo : MBAC
Michelle LaVallee et Greg Hill veulent aussi mettre l’accent sur le rôle joué par l’artiste au sein du groupe Professional Native Indian Artists Incorporated (PNIAI), aussi communément appelé Groupe indien des Sept. Constitué au début des années 1970 par Alex Janvier, Jackson Beardy, Eddy Cobiness, Norval Morrisseau, Daphne Odjig, Carl Ray et Joseph Sanchez, le PNIAI a été le premier collectif d’art autochtone au Canada. Son influence a été immense, car ses membres ont attiré l’attention sur les récits et images contemporains et fait reconnaître l’importance de l’art indigène au cours des quarante dernières années. Les visiteurs de la MacKenzie Art Gallery se rappelleront sans doute l’exposition marquante de 2013, 7: Professional Native Indian Artists Inc., organisée par le Musée et qui a voyagé à travers le Canada par la suite.
Les artistes du PNIAI ont aussi influencé l’œuvre de Janvier. En 2011, ce dernier a réalisé huit peintures en hommage aux membres d’origine du collectif (ainsi qu’à Bill Reid). L’un de ces tableaux, Groupe des Huit Indiens : Indian Group of 8: Daphne Odjig (2011), particulièrement émouvant, figure dans l’exposition en tournée.

Alex Janvier, Premier appel, 2005, aquarelle sur papier, 76.2 x 58.4 cm; encadré 93.89 x 73.66 cm (37 x 29 pouces). Avec l’autorisation de l’artiste et de la Janvier Gallery, Premières Nations de Cold Lake. © Alex Janvier. Photo : MBAC
« Personne ne voudra manquer cette exposition », explique Michelle LaVallee. « Voilà une chance assez rare de voir un large éventail d’œuvres de cet artiste avant-gardiste qui a des choses essentielles à dire sur les questions qui nous touchent directement, notamment sur notre relation au territoire, l’extraction des ressources, le traitement que nous réservons aux autres et l’importance de la perspective autochtone sur le monde. »
Alex Janvier est à l’affiche à la MacKenzie Art Gallery à Regina, en Saskatchewan, jusqu’au 10 septembre 2017. L’exposition s’arrêtera ensuite à la Collection McMichael d’art canadien dans le village de Kleinburg, en Ontario, du 5 octobre 2017 au 21 janvier 2018.