Art photographique. Le Prix nouvelle génération de photographes 2020 et 2021

Les lauréats 2020 et 2021 du Prix nouvelle génération de photographes, soutenu par le Programme de photographie​ Banque Scotia​, témoignent de la grande capacité d’expression de la photographie. Dans certains cas, des approches documentaires directes traitent de questions d’urgence sociale. D’autres pièces associent les possibilités descriptives de la photographie et des stratégies narratives pour présenter des cheminements personnels. Les œuvres des six gagnants, actuellement à l’affiche au Musée des beaux-arts du Canada, explorent la relation privilégiée entre la discipline et l’art conceptuel, ainsi que sa capacité à dépeindre les questions d’identité et de culture.

Curtiss Randolph, Soirée de retraités,  2019. Épreuve à développement chromogène

Curtiss Randolph, Soirée de retraités,  2019. Épreuve à développement chromogène. Collection de l'artiste. © Curtiss Randolph Photo : Avec l'autorisation de l'artiste

Dans la série Le fils de mon père, Curtiss Randolph endosse le personnage de « GG Jangles » pour interpréter une docufiction vaguement inspirée de la vie de son père, George Randoph, danseur et propriétaire de théâtre. Le Bathurst Street Theatre, où l’artiste a passé une grande partie de son enfance, fournit le cadre d’un récit de détermination et d’héroïsme, alors que Jangles lutte pour maintenir la promesse de spectacles malgré l’adversité et le manque de soutien et de financement. Curtiss présente les accessoires des coulisses de son second domicile (cordages, lumières et affiches) et des scènes d’un grand ressort dramatique : un saut depuis le balcon impossible à atténuer à l’aide d’un parapluie de golf, une chute à partir d’une échelle et ses conséquences. Dans ce que Randolph appelle une « parabole de la création », ces photographies présentent des scénarios riches d’une signification narrative et esthétique qui expliquent le façonnement de nos identités par les environnements et les personnes qui nous élèvent.

Katherine Takpannie, Nos femmes et nos filles sont sacrées no 3,  2016. Épreuve à développement chromogène

Katherine Takpannie, Nos femmes et nos filles sont sacrées no 3,  2016. Épreuve à développement chromogène. Collection de l'artiste. © Katherine Takpannie Photo : Avec l'autorisation de l'artiste

Le travail de Katherine Takpannie traite d’aspects de la vie de l’artiste et de sa communauté. Née à Montréal et ayant grandi à Ottawa, Takpannie représente une nouvelle génération d’artistes inuits dont les images rendent compte du besoin de visualiser les contextes et environnements contemporains de l’expérience inuite dans des milieux tant naturels qu’urbains. Dans ses œuvres, la beauté du corps féminin situé dans la nature témoigne d’une force tranquille, alors que la présence de l’artiste dans des structures abandonnées, couvertes de graffitis, indique des réalités plus chaotiques. En pleine crise des femmes autochtones disparues et assassinées, sa série Nos femmes et nos filles sont sacrées rend hommage à ces dernières par la performance. Son travail reconnaît la vitalité de la tradition qui sous-tend ses voyages, les situations urgentes auxquelles la jeunesse inuite doit faire face et l’importance du soutien de la communauté pour affronter ces problèmes.

Noah Friebel, Finn Slough,  2019. Épreuve à la gélatine argentique dans une boîte en contreplaqué

Noah Friebel, Finn Slough,  2019. Épreuve à la gélatine argentique dans une boîte en contreplaqué. Collection de l'artiste. © Noah Friebel Photo : Avec l'autorisation de l'artiste

Noah Friebel, qui travaille en photographie et vidéo, remet en question la nature bidimensionnelle de l’image grâce à des éléments sculpturaux et d’installation. Ses œuvres mettent l’accent sur les composantes matérielles, comme des dispositifs d’encadrement, pour attirer l’attention sur la mécanique et les limites de la fabrication d’images : le fondement conceptuel de la technique, qui repose sur des dichotomies telles que la réalité intérieure et extérieure, le documentaire et l’abstraction, le bidimensionnel et le tridimensionnel, l’inclusion et l’exclusion, ainsi que le privé et le public. Dans Finn Slough, le cadre de la photographie fait référence au matériel physique de la clôture et de la porte apparaissant dans l’image, créant un lien conceptuel et une boucle de rétroaction entre des objets réels et photographiés. Friebel attire également l’attention sur la façon dont la capacité du cadre de l’appareil photo à comprendre et éloigner s’accorde avec des notions de frontières privées/publiques, comme les clôtures qui incluent et excluent.

Dustin Brons, Cuillère en équilibre, 2020. Épreuve à développement chromogène

Dustin Brons, Cuillère en équilibre, 2020. Épreuve à développement chromogène. Collection de l'artiste. © Dustin Brons Photo : Avec l'autorisation de l'artiste

Dustin Brons se penche sur la constitution idéologique de notre compréhension du quotidien, de l’environnement et de l’existence urbaine. Ses natures mortes portent sur des arrangements d’objets mis en scène ou trouvés dans des appartements où il a vécu dans les dernières années. Elles sont autant de commentaires subtils sur des questions socioéconomiques plus vastes présentes dans la sphère domestique. Sont ainsi présents des sujets comme un pot de cents maintenant obsolètes, une montre analogique, la nécessité apparente de posséder en double les articles ménagers tels que les micro-ondes, ainsi que le sac en papier brun, quelque peu démodé, mais désormais plus acceptable sur le plan environnemental. De même, la capacité de la photographie à représenter des moments tant ordinaires qu’extraordinaires est illustrée par l’image d’une cuillère posée en équilibre parfait sur une casserole.

Chris Donovan, Lisa serrant Trey, 2019. Épreuve à développement chromogène.

Chris Donovan, Lisa serrant Trey, 2019. Épreuve à développement chromogène. Collection de l'artiste. © Chris Donovan Photo : Avec l'autorisation de l'artiste

Dans sa série La fabrique de nuages, Chris Donovan traite du façonnement de l’identité par le classisme, l’injustice environnementale et la collectivité. Ville d’extrêmes, Saint-Jean au Nouveau-Brunswick accueille certains des citoyens les plus riches du Canada, mais aussi l’un des quartiers les plus pauvres du pays, avec un taux de pauvreté infantile de 50 %. Comme d’autres photographes documentaires avant lui, Donovan choisit une approche en profondeur de son sujet, prenant tout le temps nécessaire pour connaître les personnes et les problématiques. Grâce à cette excursion prolongée dans la familiarité, il gagne la confiance et l’opportunité de prendre des photos spontanées. En juxtaposant des images d’une réalité crue et des moments intimes représentatifs de la vie de nombreuses personnes dans la région, Donovan présente un portrait poignant des effets d’une industrie singulière sur le bien-être des individus, ainsi que son impact délétère sur l’environnement.

Dainesha Nugent-Palache, Bec et ongles, 2019. Épreuve au jet d’encre

Dainesha Nugent-Palache, Bec et ongles, 2019. Épreuve au jet d’encre. Collection de l'artiste. © Dainesha Nugent-Palache Photo : Avec l'autorisation de l'artiste

Dans des vidéos et photographies performatives, l’artiste torontoise Dainesha Nugent-Palache se penche sur les dichotomies et paradoxes inhérents aux représentations de féminités afro-antillaises. Elle a participé à de nombreuses expositions dans la région de Toronto et s’est engagée dans des projets muséologiques multidisciplinaires comme le festival de musique féministe et la série de concerts Venus Fest et Blindspots Screening, qui présente les films d’artistes queer explorant l’expérience LGBTQ à travers un prisme diasporique. Empruntant à des pratiques photographiques diverses, comme la mode, le portrait et la nature morte, elle étudie des visualisations de la diaspora noire à travers le passé, le présent et des avenirs hypothétiques. Avec une approche exubérante de la couleur et de la représentation, le travail de Nugent-Palache traite souvent des formes de glamour, d’excès et d’autres stratégies photographiques propres aux cultures visuelles du capitalisme de consommation. 

 

Crédits photo sur le page principale du magazine –  Dustin Brons Photo: Dustin Brons; Dainesha Nugent-Palache Photo: Dainesha Nugent-Palache; Chris Donovan Photo: Giovanni Capriotti; Curtiss Randolph Photo: Brendan Gore; Katherine Takpannie Photo: Fred Cattroll

 

Les œuvres des lauréats du Prix nouvelle génération de photographes 2021 et Prix nouvelle génération de photographes 2020, organisée par le Musée des beaux-arts du Canada, soutenu par le Programme de photographie​ Banque Scotia​, sont présentés au Musée des beaux-arts du Canada à compter du 13 août 2021 et, dans le cadre du Festival de photo CONTACT Banque Scotiaau Ryerson Image Centre jusqu'au 14 novembre 2021. Partagez cet article et abonnez-vous à nos infolettres pour demeurer au courant des derniers articles, expositions, nouvelles et événements du Musée, et en apprendre plus sur l’art au Canada.

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