Là où l’art commence : L'éveil de la beauté au Musée des beaux-arts de l’Alberta


Dante Gabriel Rossetti, Étude de la figure de l’Amour dans « Le rêve de Dante au moment de la mort de Béatrice », 1874, sanguine, craies grise et brune sur papier vélin, 59 x 42,3 cm. Collection Lanigan, Saskatoon. Promesse de don au Musée des beaux-arts du Canada

Le dessin est un art essentiel et universel. Les peintres réalisent des esquisses préparatoires. Les architectes produisent des élévations et des coupes transversales. Les ébénistes créent des dessins conceptuels. Et nombre d’idées géniales, applis comme entreprises, sont nées, dit-on, de gribouillages au dos d’une serviette. « Le dessin est incroyablement important », explique Sonia Del Re, conservatrice associée des estampes et dessins européens, américains et asiatiques au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), lors d’une entrevue à Magazine MBAC. « C’est souvent là où l’art commence. »

Une exposition en tournée du MBAC, présentée actuellement au Musée des beaux-arts de l’Alberta (AGA), rend hommage au dessin en tant que discipline artistique, s’attachant à son évolution en Grande-Bretagne à l’époque victorienne. L’éveil de la beauté. Dessins des préraphaélites et de leurs contemporains tirés de la collection Lanigan regroupe au-delà de 120 dessins exceptionnels de plus de 60 artistes, témoignant de l’importance de la pratique au cours du règne de la reine Victoria (1837–1901). Depuis les esquisses préparatoires pour des tableaux jusqu’aux aquarelles et gouaches très abouties conçues comme des œuvres d’art en soi, l’exposition souligne non seulement le talent des artistes, mais aussi un mouvement qui sonne comme une révolution en art.


Lawrence Alma-Tadema, Étude de « La fête des vendanges », v. 1869, pierre noire et mine de plomb sur deux feuilles de papier vélin, 24,3 x 55,7 cm. Collection Lanigan, Saskatoon. Promesse de don au Musée des beaux-arts du Canada

« L’époque victorienne était si riche, non seulement sur les plans politique et économique, mais également artistique, dit Del Re. La période a été tout particulièrement prolifique en ce qui concerne le dessin, et c’est ce que cette exposition s’efforce de montrer ».

L'éveil de la beauté, organisée par Del Re, regroupe des dessins britanniques du XIXe siècle de la collection de Dennis T. Lanigan (des dons ou des promesses de dons à la collection nationale). Parmi les artistes présentés, on trouve notamment Frederic Leighton, John Everett Millais, William Holman Hunt, Dante Gabriel Rossetti, Edward Burne-Jones, Edward John Poynter, ainsi que d’autres du courant dit esthétisme et du mouvement Arts and Crafts.


Edward Burne-Jones, Étude du « Banquet de noce de sir Degrevant » (pour la Red House de William Morris), 1860, aquarelle, gouache, plume et encre violet sur mine de plomb sur papier; 26,2 x 29,5 cm. Collection Lanigan, Saskatoon. Promesse de don au Musée des beaux-arts du Canada

Initialement présentée au MBAC l’automne dernier, L'éveil de la beauté a voyagé jusqu’à Londres, en Angleterre, ce printemps. Là, elle a été à l’affiche du Leighton House Museum, autrefois résidence et atelier du peintre et sculpteur anglais Frederic Leighton, représenté dans l’exposition. « C’était quelque chose de vraiment extraordinaire que de voir une collection canadienne de dessins britanniques revenir à Londres et investir la maison d’un artiste qui figure lui-même dans l’exposition, se souvient Del Re. Lanigan a visité Leighton House dans les années 1970, mais n’avait jamais imaginé que sa collection personnelle d’art serait un jour exposée dans ce lieu. »

Les dessins de L'éveil de la beauté on trouvé un rapport local semblable à l’AGA. « L’une des choses fascinantes avec ces dessins préraphaélites est qu’ils ont été réunis dans l’Ouest canadien par un collectionneur d’art de Saskatoon », s’enthousiasme Catherine Crowston, directrice générale et conservatrice en chef de l’AGA, lors d’une conversation avec Magazine MBAC.

Tout comme au MBAC et à Leighton House, la présentation de l’AGA est organisée par thèmes, explorant les influences de l’art classique, de la chrétienté, du Moyen Âge et de la Renaissance sur le travail des préraphaélites. Cherchant à revenir à une époque d’avant les compositions esthétisantes d’artistes tels Joshua Reynolds et Gainsborough, ceux-ci ont au contraire réalisé des œuvres extrêmement détaillées et complexes évoquant l’art italien du XIVe siècle.




Edward Burne-Jones, Étude de l’esclave de « La roue de la Fortune », v. 1875–1883, pierre noire avec pinceau humide sur papier vergé, 29,8 x 16,1 cm. Collection Lanigan, Saskatoon. Promesse de don au Musée des beaux-arts du Canada

« Tous ces artistes avaient des approches remarquablement diversifiées de la pratique des techniques, ajoute Crowston. On verra ici toutes sortes de dessins, du fusain à la craie et autre ». Ils ont également exploré toutes sortes de sujets. Si certains ont trouvé l’inspiration dans le paysage britannique, d’autres ont fait le portrait de membres de leur famille ou choisi de rendre des scènes complexes de la mythologie et de la littérature. Par exemple, alors qu’un dessin de George Frederic Watts, traite du personnage de la mort, un autre de William Holman Hunt, The Flight of Madeline and Porphyro [La fuite de Madeleine et de Porphyre] (1848), s’intéresse aux mythes et légendes de l’époque médiévale. « Les dessins ont un tel luxe de précision que les visiteurs passent beaucoup de temps à observer leurs subtilités », précise Crowston.

Peu importe la technique ou le sujet, tous témoignent de l’évolution et de l’importance du dessin durant la période préraphaélite. Qu’il s’agisse d’une tentative d’élaborer une composition délicate comme dans Étude de l’esclave de « La roue de la Fortune » (v. 1875–1883), d’Edward Burne-Jones, ou de présenter un portrait sensuel tel La fille du roi Pellès portant le vase du saint Graal (1861), de Frederick Sandys, les œuvres dans L'éveil de la beauté démontrent l’étendue exceptionnelle du talent des artistes préraphaélites à travers leur contribution sans équivalent à l’art du XIXe siècle.

Organisée par le Musée des beaux-arts du Canada et présentée dans le cadre de la série d’expositions MBAC@AGA, L’éveil de la beauté. Dessins des préraphaélites et de leurs contemporains tirés de la collection Lanigan est à l’affiche au Musée des beaux-arts de l’Alberta jusqu’au 13 novembre 2016.  

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