Sakahàn : allumer le feu
Brian Jungen, Nicotine (2007), bidon d'essence gravé. Collection particulière, Londres © Brian Jungen Studio. Photo : Avec l'autorisation de l'artiste et Casey Kaplan, NY
Inaugurée le 17 mai, l’exposition Sakahàn présentera au-delà de 150 œuvres créées par 80 artistes contemporains à travers le monde, ce qui en fait le plus vaste événement jamais consacré à l’art contemporain indigène.
On y retrouvera peintures, photographies, sculptures, estampes, dessins, vidéos, performances et installations extérieures.
Cette exposition occupera une vaste partie du Musée avec des œuvres surprenantes et parfois imposantes, comme la géante « superbâche » qui enveloppera l’extérieur du Grand Hall et Terre et Ciel (2013), bannière de 50 mètres de Shuvinai Ashoona et John Noestheden suspendue à la colonnade du Musée.
Sakahàn s’étendra même à d’autres endroits de la ville. Dans le marché By, un panneau proposera Indien urbain (2006), série de photographies de Terrance Houle montrant l’artiste en tenue de pow-wow dans diverses situations d’un quotidien très citadin.
La co-commissaire Candice Hopkins explique ces dimensions inhabituelles : « certaines des œuvres de l’exposition sont les plus grandes de la collection du MBAC ou qui ont été commandées par lui. Et telle était notre intention depuis le début : montrer des pièces auxquelles le visiteur ne s’attend pas, tant par leurs dimensions que par leur sens et portée profondément sociaux. »
Nombre des œuvres de l’exposition portent les marques du travail d’artiste. Identité 1 (2011) de Toru Kaizawa est une sculpture de bois représentant une veste à fermeture éclair doublée de motifs aïnous. Des artistes comme Venkat Raman Singh Shyam donnent dans l’économie de moyens, mais pas d’intensité dramatique : son dessin précis de l’attaque terroriste de 2008 contre l’hôtel Taj à Mumbai rend toute l’horreur dans des volutes de fumée stylisées. D’autres œuvres sont très élaborées, telle Aniwaniwa (2007) de Brett Graham et Rachael Rakena, composée de cinq vidéos projetées depuis de vastes récipients suspendus au plafond et rappelant les wakahuia, boîtes à trésors sculptées maories.
Marja Helander, Kärsämäki (2010) tirée de la série Noire, épreuve pigmentaire sur aluminium, dans un cadre avec verre. Collection de l'artiste © Marja Helander. Photo : Avec l'autorisation de l'artiste
Graham et Rakena font partie des nombreux artistes dans Sakahàn qui évoquent des croyances fermement ancrées tout en explorant des idées contemporaines. Kärsämäki (2010), de Marja Helander, est une image nocturne étrange d’une station-service abandonnée. La structure éclairée des pompes à essence fait penser à un vaisseau spatial prêt à décoller, et un lampadaire pourrait être une étoile au loin. Helander a basé sa photographie sur la conception sámie du caractère sacré de la nature et de l’appartenance à un lieu, comme une montagne ou un rocher saillant dans un paysage. Avec Kärsämäki, l’artiste suggère que même une construction sans âme peut se transformer en un site cérémoniel mystérieux. Parallèlement, l’absence de toute présence humaine, l’idée d’une destruction écologique et l’ambiance de science-fiction annoncent une ruine post-apocalyptique.
D’autres noms célèbres figurent dans l’exposition, notamment Rebecca Belmore, Brian Jungen, Annie Pootoogook et Tim Pitsiulak (Canada); Jimmie Durham et Marie Watt (É.-U.); Teresa Margolles (Mexique); Michael Parekowhai et Fiona Pardington (Nouvelle-Zélande). D’autres artistes, pour l’instant moins connus en Amérique du Nord, comme Kaizawa (Japon), Shyam (Inde) et Outi Pieski (Finlande) y sont également représentés.
Sakahàn signifie « allumer [un feu] » chez les Algonquins. Comme nous l’explique l’aîné Albert Dumont, allumer un feu au début d’une cérémonie « confère un caractère encore plus sacré à un lieu ». Un avant-goût de l’ambiance à laquelle cette exposition si riche et dynamique convie le visiteur, pour ce qui promet d’être un moment fort de l’actualité culturelle internationale cette année.
Sakahàn est coorganisée par Greg Hill, conservateur Audain d’art indigène du MBAC, Christine Lalonde, conservatrice associée de l’art indigène et Candice Hopkins, conservatrice adjointe fonds Elizabeth Simonfay, en collaboration avec une équipe internationale de conseillers en muséologie. L’exposition est présentée au Musée des beaux-arts du Canada du 17 mai au 2 septembre 2013.