Des sentinelles du temps sculptées veillent sur le Musée

Au point culminant de la pointe Nepean — un parc situé entre le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) et le pont Alexandra, à Ottawa — se dresse la statue de l’explorateur français Samuel de Champlain. Sculpté en 1915 par Hamilton MacCarthy, Champlain tient un astrolabe à l’envers,  l’astrolabe étant un ancien instrument de navigation composé d’un disque et d’une alidade à pivot central qui servait à déterminer les latitudes à l’aide des étoiles. Avec un zeste d’imagination, les touristes qui embrassent aujourd’hui le point de vue exceptionnel de Champlain peuvent, de la même façon que celui-ci dressait la carte des étoiles,  établir une carte soigneusement agencée de la constellation des brillantes sculptures qui veillent sur la structure de verre et de granit du Musée.

Faites de feuilles de métal, d’acier inoxydable, de bronze, de pierre et même de marbre, les sculptures en plein air du MBAC sont accessibles au grand public. Véritables sentinelles du temps, ces créations des plus grands artistes canadiens et internationaux  dont James Hart, Michel de Broin, Louise Bourgeois et Roxy Paine se démarquent par leur  multidimensionnalité.

Plusieurs de ces  sculptures monumentales sont déjà devenues des symboles de la capitale du Canada. Le meilleur exemple est Maman (1999) de Louise Bourgeois, une araignée géante de 9,25 m de haut portant bien au-dessus du sol 26 œufs en marbre blanc. Tous les jours, les visiteurs qui se précipitent sur la place du Musée pour poser à côté ou sous cette créature prennent des photos qui la rendent aussi célèbre que le Musée lui- même.

« Maman est un élément aimé et intégré au tissu urbain d’Ottawa », confirme en entrevue avec Magazine MBAC Jonathan Shaughnessy, conservateur associé de l’art contemporain au MBAC. « Elle est même localisée sur Google Maps. Soit dit en passant, le Musée n’a eu aucune influence sur cette décision. »

Louise Bourgeois, Maman, 1999, fonte de 2003, bronze, acier inoxydable et marbre, 927 x 891 x 1024 cm. Musée des beaux arts du Canada, Ottawa. Photo : MBAC

 

Louise Bourgeois fait partie des artistes franco-américains les plus influents du XXsiècle.  Dans son œuvre, elle établit des liens entre son passé et son avenir, le premier représenté par sa mère tisserande et le second personnifié par les arachnides qu’elle crée. « Ma mère, a-t-elle dit, était réfléchie, intelligente, patiente, apaisante, raisonnable, délicate, subtile, indispensable, propre et de bon conseil, comme une araignée. »

Jonathan Shaughnessy approuve. Selon lui, Maman protège, nourrit et accueille tous ceux et celles qui passent entre ses pattes, la contournent ou la côtoie. « Elle convient parfaitement à l’entrée du Musée et ne saurait être mieux placée, que l’on pense à sa taille ou à sa disposition. »

Conçu par l’architecte montréalais Moshe Safdie, le Musée est ouvert sur l’extérieur et lance à ses visiteurs une invitation à découvrir la plus grande collection d’art canadien du monde, mais aussi à explorer ses environs. Libre et accessible à tous, l’art public a le pouvoir d’animer et de transformer l’espace, de créer un sentiment d’appartenance à un lieu tout en offrant une excuse parfaite pour parler d’art en se promenant tranquillement dans les nombreux sentiers boisés qui environnent le Musée.

Comme le note Jonathan Shaughnessy : « Il vaut toujours la peine de rappeler aux gens que, indépendamment des sculptures extérieures, les jardins et tous les aspects des environs du Musée sont le résultat de projets précis, pensés par l’une des plus célèbres architectes paysagistes, Cornelia Oberlander. » Inspirés par le Musée et par la nature même de sa collection d’art, notamment les tableaux du Groupe des Sept, les jardins aménagés par Cornelia Oberlander — La montée vers la pointe Nepean, Le jardin d’hiver, Le jardin encaissé et  Le jardin de la taïga (tous de 1988) — sont des sites accueillants qui invitent à la découverte.

Jonathan Shaughnessy souligne que le Musée n’a pas adopté le concept traditionnel du jardin de sculptures, un lieu destiné à rassembler des œuvres données sur une parcelle de terrain donnée. « Nous avons plutôt fait le contraire en allant chercher des œuvres exceptionnelles, faites pour être exposées en plein air, puis en évaluant si le Musée pouvait leur trouver un lieu adapté. »

Et ces œuvres ont trouvé leur terre d’accueil au Musée.

Pensons par exemple à l’installation inspirée du patrimoine autochtone de la Colombie-Britannique sculptée par le chef du clan de l’Aigle James Hart, Les trois sentinelles (2010). De cette œuvre, le chef Shawn A-in-chut Atleo a dit qu’elle rendait hommage aux Premières Nations du Canada et suscitait « une nouvelle reconnaissance de la culture et de l’histoire de la nation haïda ». Coulée dans un bronze spécial et conçue pour résister aux hivers d’Ottawa, cette sculpture de plus de 4 mètres de haut habite l’îlot de circulation situé à l’angle de la rue Saint-Patrick et de la promenade Sussex. Les trois figures adossées les unes aux autres qu’elle représente jouissent ainsi d’une vue panoramique à 360o des environs. L’artiste combine des anciennes pratiques et traditions tout en livrant un message de protection pour l’avenir.

James Hart, Les trois sentinelles, 2003, fonte de 2010, bronze, 15 x 5 x 5 pi. Musée des beaux arts du Canada, Ottawa . Don de Michael Audain et Yoshiko Karasawa, Vancouver, 2011. Photo MBAC © James Hart

 

Tout près de là, surplombant la rivière des Outaouais, la colline du Parlement et le Musée canadien de l’histoire, Ligne de cent pieds (2010) de Roxy Paine se distingue par ses 30,5 mètres de haut. Incontestablement la plus haute de toutes les œuvres de la collection nationale, Ligne de cent pieds fait allusion à la capitale canadienne et à sa proximité avec la nature. Elle est aussi la plus ambitieuse jamais réalisée par l’artiste. Composé de tôle d’acier laminé et d’acier inoxydable, ce tronc d’arbre chatoyant totalement dénudé est depuis 2011 un élément permanent de la collection de sculptures publiques extérieures.

Les visiteurs sont aussi invités à chasser les pétroglyphes pour trouver La nature reprend ses droits de Nicholas Galanin (2013) et découvrir Majestic (2011) de l’artiste canadien Michel de Broin. Revisitée par Michel de Broin, la série de lampadaires de la Nouvelle-Orléans déplacés par l’ouragan Katrina en 2005 éclaire les alentours du Musée au coucher du soleil. Les amoureux de l’art peuvent aussi croiser les arabesques travaillées au jet de sable sur les énormes pierres de granit de Nid noir (1989–1991) de Bill Vazan ou La planète (2001). La version originale des Chevaux au galop (2007) de  Joe Fafard qui prendra bientôt place à l’extérieur du Musée sera la plus récente installation permanente à sa série de sculptures extérieures. Rénovée pour pouvoir traverser les hivers d’Ottawa, elle restera toute l’année en plein air. Les visiteurs qui préféreront rester au chaud pourront néanmoins l’admirer de l’intérieur du Musée : les chevaux qui avaient été peints de façon à être vus sous leur meilleur jour de la rue ont été peints des deux côtés pour être également vus depuis la fenêtre du Musée.

Michel de Broin, Majestic, 2011, lampadaires, acier, verre, électricité. Don de Donald et Beth Sobey, Nouvelle‑Écosse, 2012. Musée des beaux‑arts du Canada, Ottawa. Photo : MBAC © Michel de Broin

 

L’une des principales missions du Musée est d’améliorer l’accès du public canadien à des œuvres d’art exceptionnelles. Dans ce but, le Musée a à cœur de permettre à tous les passants de profiter de ces créations et de gérer le programme d’expositions itinérantes le plus important du monde.

Le Musée propose aux gens de tout âge de visiter ses installations en s’aidant d’une carte du ciel et d’un astrolabe fictifs. Formées de motifs imaginaires rêvés, les constellations offrent à chacun la liberté de flâner et de créer des associations. La constellation particulière de sculptures extérieures publiques du Musée est unique. Non seulement favorise-t-elle un sentiment d’appartenance, mais elle enregistre et fête les traditions importantes tout en stimulant le discours public.

Et pourquoi pas... peut-être même inspire-t-elle- un ou deux égoportraits!

Le Musée des beaux-arts du Canada est ouvert du mardi au dimanche de 9 h 30 à 17 h et, le jeudi, de 9 h 30 à 20 h.  Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter la page des heures d’ouverture et des droits d’entrée du site web du Musée. Les sculptures en plein air sont accessibles en tout temps au public ainsi qu’aux personnes en fauteuil roulant. Pour une visite internet : https://www.beaux-arts.ca/ledificeetsesenvirons/.

 

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