Fred Herzog. Photographie de rue
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Fred Herzog, Flâneur, Granville (1960), épreuve au jet d'encre, 76,4 x 50,2 cm. Collection MCPC, MBAC
Fred Herzog estime qu’il a réalisé des centaines de milliers de photographies dans plus de 40 pays, et dans plus de villes qu’il ne peut en nommer. À 82 ans, il est toujours poussé à capter l’essence des ruelles, des ambiances inhabituelles ou ordinaires, des vitrines et des humains.
« Je photographie toujours au moins une fois par semaine, en fonction de la météo, dit-il depuis chez lui, à Vancouver. Je dois marcher pour survivre. Pendant ces promenades, j’emporte en général un appareil et je trouve encore de nombreuses scènes qui répondent à mes intérêts et valeurs. »
Ces valeurs sont demeurées incontestablement élevées dans une carrière qui s’étend sur 60 ans. Né en Allemagne, Herzog s’installe à Vancouver en 1953 et commence à capter les scènes urbaines tout en gagnant sa vie comme photographe médical et chargé de cours à la Simon Fraser University et à la University of British Columbia. Toujours en quête d’événements inattendus, de sujets impromptus et de gestes spontanés, Herzog est particulièrement attiré par la classe ouvrière et les côtés peu reluisants de la vie en ville.
Fred Herzog. Photographie de rue, présentée au Glenbow Museum, à Calgary, jusqu’au 28 avril, illustre cette fascination. Les quelque 30 œuvres de l’exposition, organisée par le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), représentent Vancouver, Victoria, San Francisco et Banff à la fin des années 1950 et tout au long des années 1960. À une époque où la photographie dite sérieuse ne se pratiquait qu’en noir et blanc, Herzog a choisi les tons saturés, vibrants, des diapositives Kodachrome pour saisir toute la richesse des couleurs de la rue.
« Il a vraiment été un pionnier, il s’est intéressé de près à la photographie couleur à un moment où rares étaient ceux qui en faisaient », affirme Andrea Kunard, conservatrice adjointe de la collection de photographie contemporaine au MBAC. « Dans les années 1960, la photographie était un peu “décalée”. La photographie en tant que forme d’art était de plus en plus acceptée, mais elle n’était pas encore totalement reconnue comme telle. Aussi, quiconque s’y adonnait était un peu suspect dans le monde de l’art. Et surtout quand on parle de couleur, vraiment taboue pour la plupart. »
« Le fait que personne ne partage mon point de vue ne me dérangeait pas du tout, précise Herzog. J’étais d’une certaine façon convaincu que mes photographies seraient reconnues dans un avenir plus ou moins lointain. J’ai eu la chance que ça se produise de mon vivant, en 2007, alors que j’avais 76 ans. »
Kunard soutient que la contribution d’Herzog à la photographie va au-delà de la nostalgie. « Il faut regarder son utilisation de la couleur, sa construction des images, ses compositions et contrastes chromatiques. C’est quelqu’un qui a un très bon œil pour la photographie. »
Immigrant, Herzog explique que la photographie l’a aidé à comprendre et découvrir son nouveau pays. « Venant d’une autre partie du monde, je me suis servi de mon appareil pour digérer ce que je voyais au Canada, qui me semblait exotique. Comme sujets, je prenais des gens, des rues et des présentoirs de magasins, surtout ceux d'articles usagés, que je voyais comme des microcosmes de la culture américaine et canadienne. Dans les années 1950 et 1860, la marchandise dans ces magasins était de simples outils : instruments de musique, articles de pêche, bottes de travailleurs et montres. Aujourd’hui, les vitrines ciblent l'électronique ou la mode. »
C’est grâce à l’utilisation que fait Herzog de la couleur que nous avons en main un rendu photographique inégalable, non seulement des villes, personnes et lieux qui l’ont fasciné à ce point, mais aussi des riches palettes contrastées qui définissent son sujet de prédilection.
Calgary est la deuxième étape de la tournée de Fred Herzog. Photographie de rue. L’exposition a été inaugurée au MBAC en 2011, avant sa présentation au Glenbow Museum.