Le pouvoir de l’amour selon Laurence Hyde
Selon Laurence Hyde, l’une des choses que nous pouvons faire par amour : adhérer aux idéaux du communisme. L’histoire que révèle la gravure sur bois de bout réalisée par Hyde, Amour, parle autant au cœur et l’esprit puisqu’autant les sentiments et la raison de l’artiste ont été attisés par sa nouvelle flamme et amour de sa vie, comme le temps l’attestera.
Né à Londres, en Angleterre, en 1914, Laurence Hyde immigre au Canada à l’âge de 12 ans. Adolescent, il découvre au Musée des beaux-arts de l’Ontario les tableaux du Lac Supérieur peints par Lawren Harris et décide de devenir artiste. En 1932, il s’inscrit à la Central Technical School de Toronto où il s’intéresse à la gravure sur bois de bout. Parmi ses inspirations, citons l’artiste américain Lynd Ward dont les récits tout en images, sans texte, renforcent son goût pour l’illustration de livres.
Ses premières œuvres attirent l’attention. En 1936–1938, la revue Saturday Night qualifie ses gravures de « mystérieuses, vigoureuses et envoûtantes ». Plus tard, elle saluera leur « exubérante vitalité ». Son inclination pour le socialisme, plutôt courant chez les jeunes hommes de l’époque, transparaît dans ces images de travailleurs exploités. Et lorsqu’il rencontre Bettye Bambridge, les étincelles rivalisent de puissance avec les flammèches provenant d’une forge industrielle. Comme l’a écrit Rosemarie Tovell, ancienne conservatrice des dessins et estampes au Musée des beaux-arts du Canada : « Il est tout à fait possible que l’intérêt de Hyde pour les questions sociales n’ait été qu’un simple engouement d’étudiant à l’époque, mais sa rencontre avec Bettye Bambridge, qu’il épousera en 1939, marque le point de départ de son engagement envers la politique communiste. »
Vers 1938–1939, Hyde publie Les sept âges de l’homme [Seven Ages of Man], un portfolio contenant sept gravures sur bois de bout illustrant « les combats et les désirs de l’humanité » qu’il dédicace « à ma camarade Bettye ». Deux planches décrivent ces combats, soit la lutte de l’homme « contre l’esclavage économique » et « contre la guerre et les ennemis de notre civilisation démocratique ». La troisième et finale planche illustre « le régime de décomposition enfin menacé par les forces conjuguées des progressistes ; et une prophétie… ‟la victoire annoncée de la démocratieʺ ». Ces gravures, dit-il dans son avant-propos, « expriment la vision de la vie moderne de l’artiste ». Les quatre premières estampes s’intitulent Naissance, Enfance, Amour et Mariage. Toutefois, bien qu’il déclare avoir représenté l’enfance « sans son charme traditionnel », il n’en demeure pas moins que l’artiste reprend dans Amour et Mariage « sa première gravure et tout le reste est oublié dans la beauté divine qu’est la Femme. »
Amour représente un homme et une femme debout, étroitement enlacés, dont les jambes se touchent légèrement. Derrière eux brillent des étoiles et des planètes. Tous deux apparaissent plus grands que nature, comme si leur amour les avait mis à l’échelle de ces immenses corps célestes. Du couple émanent des filaments de lumière évoquant les barbes d’une plume qui leur permettrait de s’envoler jusqu’au ciel.
Tel est le pouvoir de l’amour, ce sentiment que tout est possible.
À sa mort en 1987, Hyde est un artiste respecté qui a travaillé 30 ans à l’Office national du film, publié des livres pour enfants, peint des tableaux et conçu de nombreux timbres-poste. Bettye et lui étaient restés mariés pendant presque 50 ans. Ils avaient vécu à Montréal et à Ottawa et avaient élevé leurs deux enfants, Anthony et Christopher, tous deux devenus de célèbres romanciers.
Le portfolio s’étant mal vendu, Hyde mit plus tard au pilon les exemplaires qu’il possédait. Selon Rosemarie Tovell, ce geste a pu être provoqué par « la vague d’hystérie anti-communiste intense et dangereuse » qui a suivi la Seconde Guerre. Toutefois cette peur s’est atténuée avec le temps. En 1998, The Globe and Mail note qu’une exposition réunissant entre autres des estampes de Hyde représentant des ouvriers littéralement enchaînés à leur usine était présentée « juste à temps pour le 1er mai, journée annuelle de la Fête des travailleurs. »
Si les sentiments évoluent, l’Amour est éternel.
Pour voir plus d'œuvres de Laurence Hyde dans la collection du Musée des beaux-arts du Canada, visionnez la collection en ligne. Partagez cet article et n’oubliez pas de vous abonner à nos infolettres pour connaître les dernières informations et en savoir davantage sur l’art au Canada.