
Artiste Haïda. Hochet en forme de corbeau. v.1850, bois, peinture, tendon et cailloux. Avec l’autorisation de Gwaii Haanas/Parcs Canada et du Haida Gwaii Museum à Kay Linagaay, Skidegate, Haida Gwaii. Photo Trevor Mills
Des aînés, des membres de la communauté et des experts autochtones guident le musée
Tous les soirs après la fermeture des portes du Musée des beaux-arts du Canada, des employés du musée étendent une couverture rouge sur la vitrine qui protège Qelemteleq, une figure de pierre assise animée par un esprit vivant. Qelemteleq est un ancêtre des Premières Nations Katzie et Kwantlen de la vallée du Fraser, en Colombie-Britannique. À ce titre, il est traité avec les égards dus à un parent digne d’estime et la couverture l’aide à passer la nuit au chaud et en sécurité pendant son séjour au Musée.
Qelemteleq est l’une des près de 200 œuvres d’art autochtone mises en vedette dans les salles d’art canadien et autochtone du Musée. Lorsqu’ils ont conçu cette présentation, les conservateurs ont voulu rompre avec l’usage de traiter les œuvres d’art autochtones comme des témoignages anthropologiques anonymes et rejeter une approche qui ne reconnaissait pas les créateurs à titre personnel et se limitait à produire de vagues textes didactiques mentionnant uniquement la région d’origine ou la nation des artistes. Dans cette optique, le Musée a mis sur pied deux comités consultatifs auxquels il a demandé des recommandations non seulement sur l’attention à consacrer à l’accueil, à l’exposition et à l’entretien de chaque œuvre, mais aussi sur les meilleures façons de consulter les diverses communautés et de comprendre leurs coutumes précises.
En signe de respect pour les peuples autochtones du Canada, les comités ont notamment conseillé de produire des textes dans les langues des Premières Nations ainsi que dans les dialectes inuktituts et en michif. Plus de cinquante textes étaient traduit en dix-sept langues et dialectes autochtones du pays. Chaque fois que possible, des textes ont été ajoutés en anishinaabemowin (une langue algonquienne) pour rappeler que le Musée lui-même se trouvait en territoire anishinaabe.

Artiste Assiniboine. Pétroglyphe, Beaver Hills. v. 1000, calcaire. Musée Royal Saskatchewan, Régina. Photo: MBAC
Les comités ont aussi suggéré d’accueillir chaque objet culturel cérémoniel par une cérémonie de bienvenue. Beaucoup d’objets d’art, surtout ceux faits à partir de matières naturelles provenant du territoire, sont censés avoir un esprit et (ou) être des ancêtres. Les cérémonies d’accueil sont une façon importante de reconnaître les esprits et les ancêtres. Certains artefacts, par exemple Pétroglyphe, Beaver Hills, prêté par Royal Saskatchewan Museum, ou l’habit de potlatch du chef héréditaire Jim Hart, ont été accueilli discrètement tandis que d’autres ont entraîné la tenue d’une cérémonie réunissant l’ensemble de la communauté.
Pour la cérémonie d’accueil du Hochet cérémoniel en forme de corbeau (v. 1850) de Haida Gwaii, en Colombie-Britannique, des gardiens du savoir de la Première Nation Kitigan Zibi Anishinabeg ont rejoint des membres de la communauté locale haïda, dont des enfants. Nika Collison du Musée Haida Gwaii et d’ascendance haïda qui se trouvait alors à Ottawa, a raconté les histoires du soleil, de la loutre et du corbeau sculptés sur le hochet, assumant un rôle essentiel dans la transmission des connaissances autochtones entre les générations.
Une autre cérémonie a accueilli Raven Sun Masque (s.d.), un masque double corbeau-soleil de l’artiste contemporain nuxalq Marven Tallio (né 1966) prêté par le Musée canadien de l’histoire. L’artiste a approuvé l’initiative même s’il n’avait pas pensé son œuvre comme un masque cérémoniel. Des gardiens du savoir locaux ont rencontré au Musée des membres de la tribu Gitandeau de la Première Nation Tsym Syen. L’aîné Terry McKay Suu Wii Lax Ha (Un autre grand orage) est venu avec ses deux jeunes petits-fils pour partager sa connaissance des histoires de corbeau et celui du masque double avec la génération suivante.

Marven Tallio. Raven Sun Masque Double. s.d., racines de cèdre, fibre, coquilles et cèdre. Musée canadien de l'histoire, Gatineau (VII-D-477). Photo: MBAC
Faisant partie des objets cérémoniels mis au jour dans la vallée du Fraser et sur l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique, Qelemteleq a eu les honneurs d’une cérémonie traditionnelle au mois de mai 2017. Sculptés il y a entre 1500 et 5500 ans, ces objets étaient conçus pour décrire une histoire ou accomplir un rituel sacré. Qelemteleq a été découvert sous les racines d’un pin douglas en 1920 par un colon, Arro Skytte, qui défrichait sa terre. Le Skytte Bowl, comme il a été appelé, a été donné en 1954 au Museum of Vancouver qui le garde en fiducie au nom des Premières Nations Katzie et Kwantlen.
Lors de la cérémonie, des gardiens du savoir de la Première Nation Kitigan Zibi Anishinabeg ont accueilli des aînés de Stó:lō et des conseillers des Premières Nations Katzie et Kwantlen. Verna McGregor, membre de la Première Nation Kitigan Zibi Anishinabeg, et son fils, Sheldon McGregor, un apprenti gardien du feu de la communauté, ont célébré un rite traditionnel en brûlant des herbes sacrées dont la fumée possède la vertu de purifier les esprits des participants. Arborant des tenues notamment composées de bandeaux et de couvertures, les aînés et les chefs ont été formellement présentés les uns aux autres et à Qelemteleq. Les aînés de Stó:lō Helen et Herb Joe ont validé le cérémonial et Marilyn Gabriel et Susan Miller, respectivement cheffe de la Première Nation Kwantlen et la Première Nation Katzie, ont offert une couverture rouge à Qelemteleq pour le protéger la nuit. Après les chants et la musique, les aînés ont célébré une cérémonie pour honorer l’esprit de Qelemteleq, reconnaître son territoire d’origine et lui donner son nom en langue halkomelem.
Le Musée des beaux-arts du Canada est déterminé à interagir avec les communautés autochtones du Canada. Parallèlement au travail d’interprétation et de protection des arts de notre pays effectué par le personnel, le département de l’éducation et l’équipe de conservation continueront à s’appuyer sur les suggestions des deux comités consultatifs autochtones, notamment sur la question de la participation des jeunes. Dans ce contexte, citons des projets d’ateliers avec des artistes autochtones, une programmation éducative, des visites guidées axées sur l’art autochtone et des visites sans guide en anishinaabemowin.
Toutes les œuvres sont actuellement exposées dans les salles d’art canadien et autochtone du Musée des beaux-arts du Canada. Prêtée au MBAC, la tenue de chef de James Hart lui a été temporairement rendue pour être portée à la danse cérémonielle inaugurale à l' Audain Art Museum de Whistler, en Colombie-Britannique. Consultez les listes d'événements du Mois national l'histoire autochtone et de la Journée nationales des peoples autochtones. Parmi les projets ne manquez pas Resilience, the National Billboard Exhibition Project. Si vous désirez communiquer cet article, cliquez sur la flèche en haut à droite de la page.