Votre collection : Rose avec bordure, de Jack Bush

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Jack Bush, Rose avec bordure (21–21 octobre 1967), acrylique sur toile, 205,7 x 275,6 cm. Legs de Rosita Tovell, Victoria, 2015. Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo © Musée des beaux-arts du Canada. © Succession de Jack Bush / SODRAC (2015)

Peint en 1967, Rose avec bordure de Jack Bush est une œuvre d’un artiste en pleine possession de ses moyens. Il paraît que ce maître reconnu de l’abstraction chromatique produit ce tableau en partie en réaction à une conversation téléphonique avec son ami Clement Greenberg, le grand critique d’art américain, qui avait suggéré que Bush ne prenait pas assez de risques.  « Je crois qu’il a raison, a écrit Bush dans son journal, mais je vais continuer comme je l’entends. »

Jack Bush (1909–1977) est l’un des membres les plus célèbres du Groupe des Onze (1954–1960), et sans doute un des plus reconnus du groupe dans les années suivant la dissolution de celui-ci. Formé à Montréal, il travaille comme illustrateur et directeur artistique pendant les années 1940, 1950 et 1960, emplois qu’il conserve à temps plein jusqu’en 1968 – ce qui peut sembler surprenant, étant donné son succès comme peintre.

Bush adopte la peinture abstraite vers 1950 après avoir vu des reproductions d’œuvres américaines dans les magazines Time et Life. Il présente quelques tableaux lors de l’exposition Abstracts at Home (1953), organisée dans le grand magasin Simpson de Toronto. Cet événement préfigure la fondation du Groupe des Onze, l’année suivante, et comprend des toiles de sept des futurs onze membres. Quand le groupe s’associe à la Roberts Gallery, marchand de Bush, à l’occasion de l’exposition inaugurale du Groupe des Onze en février 1954, il attire le plus grand nombre de visiteurs dans l’histoire de la galerie.

Bien qu’il peigne principalement dans un style expressionniste abstrait pendant les années 1950, à la fin de la décennie, Bush a réorienté sa peinture vers des compositions plus simples, des couches picturales plus fines. Ces dernières sont à rapprocher de ces œuvres qualifiées en 1964 d’« abstraction post-picturale » par Clement Greenberg.

Pendant les années 1960 et 1970, Bush travaille avec de grands aplats de couleurs vives, et les toiles qu’il réalise à l’époque figurent parmi les expressions les plus recherchées de l’art de l’après-guerre au Canada anglais. Si Rose avec bordure (1967) est caractéristique de sa peinture du moment, elle est assez loin des formes que Bush privilégie. À la différence des soi-disant échelles, dont Haute étendue (1966) est un exemple et Grand A (1968) une variante, Rose avec bordure semble unique dans l’œuvre de Bush.

 

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Diapositive de Jack Bush devant Rose avec bordure. Photo : Michael Cullen, Toronto. © Succession de Jack Bush / SODRAC (2015)

Sur un fond rose, quatre bandes qui se chevauchent tissent un cadre à l’intérieur d’un cadre. Le fait qu’elles se chevauchent plutôt que d’être contigües donne l’impression que les couleurs continuent sur ou sous les autres.   Cette illusion de profondeur est obtenue grâce à une économie de moyen absolue, et renvoie de façon évidente aux relations figure/arrière-plan. Le rapport entre les cinq couleurs soigneusement choisies est harmonieux. Coloriste avant tout, Bush réussit à combiner le jaune et le rose, par exemple, sans diminuer l’intensité des deux.

Unique, soit, Rose avec bordure n’est pas entièrement sans précédent. Dans Awning [Auvent], acquis par le ministère des Affaires étrangères en 1972 du Conseil des arts du Canada, un fond rose pâle est encadré par quatre bandes de couleur. Dans ce cas, toutefois, les bandes verticales à gauche et à droite reposent sur les bandes horizontales du haut et du bas, plutôt que de former un motif entrelacé comme dans Rose avec bordure. L’intensité de la palette est aussi beaucoup plus faible : une nuance terreuse, estompée, imprègne les cinq couleurs.

Comme Bush l’a écrit dans son journal, Rose avec bordure a été peint en octobre 1967 et livré à la David Mirvish Gallery en 1968. La même année, il a ajouté que la toile avait été « Vendue à M. et Mme Freeman Tovell, Ottawa. » Quand Sarah Stanners – commissaire associée de la récente exposition Jack Bush au MBAC et directrice de publication du catalogue raisonné sur l’artiste (à paraître)  – a montré à Rosita Tovell une copie du journal de Bush avec cette annotation, Mme Tovell a tenu à préciser en avoir elle-même fait l’acquisition. Elle avait aimé le tableau en le voyant, et celui-ci est rapidement devenu un trésor pour toute la famille. La toile occupait une place d’honneur dans leur maison, d’abord à Ottawa, puis à Victoria.

Rosita Tovell a été membre du conseil d’administration des Musées nationaux du Canada et cofondatrice de l’Association de la galerie nationale (aujourd’hui Les Amis du Musée des beaux-arts). Après la retraite de Freeman Tovell, en 1978, le couple s’installe à Victoria, en Colombie-Britannique, où Rosita Tovell siège au comité des acquisitions de l’Art Gallery of Greater Victoria à titre de conseillère. Elle décède à Victoria le 22 juin 2014.

Rose avec bordure est un exemple important de la production de Bush à la fin des années 1960 – sans doute la période la plus accomplie de l’artiste. Elle marque l’intérêt renouvelé de Bush pour les relations figure/arrière-plan, qui vont l’occuper jusqu’à sa mort en 1977. Remarquable par sa simplicité et son exubérance, Rose avec bordure témoigne de la maîtrise du peintre dans l’utilisation de grandes surfaces colorées pour susciter une réaction forte chez les spectateurs.

 

Rose avec bordure est actuellement exposée dans les salles d’art canadiens du MBAC.

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