Les choix des conservateurs
Les conservateurs du Musée des beaux-arts du Canada nous parlent de certaines de leurs œuvres préférées dans la collection nationale, ainsi que de l’importance qu’elles ont à leurs yeux.
Kapwani Kiwanga
Peinture linéaire n° 6: Jaune-gris de Birren (RR Donnelley & Sons, Chicago, Illinois), 2017
J’ai vu pour la première fois les Linear Paintings de Kipwani Kiwanga dans une exposition solo à Berlin en 2017, où elles étaient accompagnées de 500 Feet, une œuvre audio de 12 minutes qui imprégnait l’espace de la galerie.
On y entendait la voix de l’artiste lisant des textes sur la théorie des couleurs et la science du comportement d’un ton pénétré et inexpressif. Sous des faits en apparence anodins, ressortaient des éléments plus éloquents, dont une transcription du Congrès international de Paris de 1931 sur l’urbanisme dans les colonies faisant référence à la distance de 500 pieds comme étant sécuritaire de maintenir entre les zones indigènes et européennes d’une colonie. L’œuvre audio érode l’apparente neutralité du savoir et remet en question la présumée objectivité de certains champs de recherche parfois utilisés pour renforcer le pouvoir et l’autorité. J’ai aussi réalisé que les peintures monochromes retentissantes accrochées dans la salle d’exposition dépassaient de simples exercices sur la forme abstraite.
En fait, les Linear Paintings de Kiwanga explorent les manifestations de la « discipline architecturale » destinée à discipliner les groupes et les individus dans les environnements institutionnels tels que les hôpitaux, les usines, les prisons et les salles de conseils d’administration d’entreprises.
Ses recherches pour la série l’ont conduite au travail du « consultant en couleurs industrielles » Faber Birren (1900-1998). Parmi les clients de Birren, on compte des entreprises comme Monsanto, General Electric, Disney, de même que l’armée américaine, qui comme l’expliquait l’artiste, ont employé ses découvertes dès 1920 « pour influencer et encadrer les conditions de travail, la productivité et la supervision en plus de favoriser l’harmonie et le calme ». L’entreprise RR Donnelley & Sons, à la base de Linear Painting #6, un imprimeur de Chicago, a fait appel à l’aide de Birren au milieu du XXe siècle afin d’élaborer une palette de couleurs destinée à augmenter la productivité des travailleurs. Le résultat? Un chaleureux et attrayant design bicolore de jaune et de gris qu’on retrouve dans la peinture murale de Kiwanga tout comme celui que RR Donnelley & Sons a utilisé dans son édifice depuis la salle des presses rotatives jusqu’aux ascenseurs.

Jonathan Shaughnessy
Conservateur associé,
art contemporain
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Antoine Plamondon
L'abbé Charles Chiniquy, 1841
Rentré d'un séjour de formation de quatre années à Paris en 1830, Antoine Plamondon est vite reconnu pour son talent, et devient rapidement le portraitiste le plus en vue de Québec.
Charles Chiniquy demeure le modèle le plus prestigieux à avoir posé pour le peintre, alors au faîte de sa carrière. Prêtre catholique, Chiniquy passe à l'histoire comme « Apôtre de la tempérance », étant donné le retentissement de ses discours enflammés sur les méfaits de l'alcool, qui soulèvent les foules. Il fut l'une des figures les plus éclatantes de son époque.
René Villeneuve
Conservateur associé,
art canadien ancien
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Gustav Klimt
Étude pour le Portrait d'Adele Bloch-Bauer I , v. 1903, 1904-1906
L’artiste autrichien Gustav Klimt (1862–1918) a réalisé pas moins de 130 dessins en préparation de son somptueux Portrait d’Adele Bloch-Bauer I, communément appelé La femme en or. Deux de ces dessins font maintenant partie de la collection du Musée des beaux-arts du Canada après avoir été restitués à ses héritiers canadiens depuis des œuvres de propriétaires juifs.
Les dessins faisaient partie d’une collection d’art volée de la résidence des Bloch-Bauer à Vienne en 1938 conservée au Musée Albertina. Il a fallu attendre l’an 2000 pour que le gouvernement autrichien adopte une loi permettant aux héritiers de la famille de recouvrer leurs trésors spoliés.
Quatre œuvres ont été rendues au Montréalais Francis Gutmann dont la grand-tante était la célèbre Adele. Quatre autres sont revenues à la sœur de Francis Gutmann à Vancouver tandis qu’une autre série est allée à la tante de Gutmann à Los Angeles qui a réussi le tour de force d’avoir gain de cause dans sa revendication de La femme en or.
Le Musée a acquis deux dessins de M. Gutmann en l’an 2000 venus s’ajouter à une étude antérieure du portrait achetée en 1965. Ces trois études à la pierre noire incarnent l’extraordinaire qualité et la diversité des expérimentations qui ont fait la réputation des dessins de Klimt - une abondance de courbes, qui rend hommage à la période de la Sécession viennoise, tandis que leur ornementation géométrique annonce la future ʻpériode doréeʼ de Klimt.

Kirsten Appleyard
Adjointe à la conservation,
estampes et dessins
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Gustav Klimt
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Gustav Klimt, Étude pour le Portrait d'Adele Bloch-Bauer I , v. 1903. Acheté en 1965. MBAC, Ottawa. Photo: MBAC
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Gustav Klimt, Étude pour le Portrait d'Adele Bloch-Bauer I , v. 1904-1906. Acheté en 1965. MBAC, Ottawa. Photo: MBAC
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Gustav Klimt, Étude pour le Portrait d'Adele Bloch-Bauer I , v. 1904-1906. Acheté en 1965. MBAC, Ottawa. Photo: MBAC
Antoine Plamondon
Le dernier Huron (Zacharie Vincent), 1838
Cette composition d'exception de Zacharie Vincent se voit décernée la médaille de première classe du concours de la Société littéraire et historique de Québec en 1838.
Lord Durham, gouverneur en chef de l'Amérique du Nord britannique, s'en porte acquéreur dans les mois qui suivent, et l'amène avec lui en Angleterre l'automne suivant; elle orne dès lors les murs du château familial. Deux ans plus tard, le souvenir de la toile inspire à François -Xavier Garneau un long poème sur les dangers menaçant les Hurons-Wendat, que l'on croit voués à l'extinction.
C'est dans ce contexte que le modèle devient artiste, et exécute une dizaine d'autoportraits, dont quelques-uns où il est accompagné de son fils aîné. Zacharie Vincent semble avoir eu une perception différente du devenir de sa nation.
René Villeneuve
Conservateur associé,
art canadien ancien
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Emanuel de Witte
Un sermon dans la vieille église de Delft, v. 1650-1651
Le prédicateur se penche en avant, faisant un geste pour souligner un point, mais nous n’entendons pas ses mots. De Witte nous demande plutôt d’imaginer l’expérience d’être dans le vaste espace sonore de l’église remplie de lumière.
Devant nous se trouve un homme élégamment vêtu, dont le fils imite la pose à la mode ; une femme allaite ; une jeune fille lit ; un jeune enfant nous regarde, ennuyé ou sans comprendre. Tous ces détails renforcent le sentiment de notre humanité commune. L’effet est un sentiment de calme, d’ordre et d’attention concentrée — de personnes réunies pour une tâche commune.
De Witte a partiellement caché la vue de l’église en peignant par-dessus un rideau vert suspendu à une tringle. Il était courant de recouvrir les tableaux de valeur avec de vrais rideaux et l’artiste en a fait une blague, tout en laissant entendre qu’il “dévoile” le tableau parce que nous sommes ses invités privilégiés.

Christopher Etheridge, PhD
Conservateur associé,
art européen et américain
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Lynne Cohen
La légion canadienne avant une fête de l'halloween, Perth, Ontario, 1973
À travers ses œuvres, tels ces exemples d’espaces de réunion communautaires, Lynne Cohen examine les intérieurs domestiques et institutionnels. Ces lieux généralement bruyants de joie sont capturés par Cohen dépourvus d’humains – tout en identifiant la présence de l'humanité. Au temps où nous pratiquons la distanciation sociale et l’auto-isolement, ces images auraient tout aussi bien pu être prises il y a quatre jours, non quatre décennies.
Lynne Cohen, venue des États-Unis, s’installe au Canada en 1973 et enseigne des années durant à l'Université d'Ottawa. Sa rétrospective, No Man's Land, a été présentée au Musée des beaux-arts du Canada en 2002, où elle reçut le premier Prix de photographie Banque Scotia en 2011.
Lynne fut une amie et une mentore jusqu'à son décès en 2014, laissant derrière elle une marque indélébile. Sa voix continue de guider mon travail de conservateur. Elle me rappelle toujours la différence entre « regarder » et « voir » en observant une photo ; on peut aborder ses images à travers leurs éléments formels tout en étant confronté à leurs nuances émotionnelles et politiques.

Christopher Davidson
Adjoint à la conservation,
art canadien
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Ian Wallace
Au travail 1983, 1983
Alors que je travaille de la maison, assise devant mon ordinateur à faire de la recherche et de la rédaction, je me souviens de la performance novatrice d’Ian Wallace et de l’installation qui en est née, At Work [Au travail] (1983–1984), dans laquelle il tente de questionner notre compréhension de ce en quoi consiste le « travail » d’un artiste. Nous pourrions imaginer un peintre dans son studio désordonné, par exemple, ici, Wallace propose une activité créative d’un autre ordre, celle de la réflexion et de la recherche.
Ian Wallace est un artiste de premier plan, un historien, un enseignant et un critique d’art associé à l’École de Vancouver de la photographie conceptuelle. Pendant plus de six décennies, il a créé des œuvres centrées sur trois lieux principaux : la rue, le musée, et l’atelier.
En 1983, Wallace conjugue ces intérêts dans At Work » [Au travail], une performance durant laquelle il transforme une salle d’exposition en studio pendant deux semaines, s’exposant lui-même en train de « travailler » comme un artiste. La Galerie Or, nouvellement ouverte à Vancouver, fut la scène de cet événement qui fut visible seulement la nuit à travers la grande fenêtre de la galerie donnant sur la rue. Assis à une simple table de travail, Wallace y était vu en train de lire, d’écrire, et de réfléchir, sa performance devenant un tableau vivant. L’installation qu’il en reste comprend des photographies et une vidéo de la performance de même que des dessins et des croquis qui en documentent l’instant.
Depuis, l’artiste continue d’étudier le rôle souvent invisible de l’atelier comme lieu de production, et centre notre attention sur le genre d’activités, dont la recherche et la réflexion, qui se déroulent habituellement dans l’espace privé de l’artiste.

Josée Drouin-Brisebois
Conservatrice principale,
art contemporain
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Laurent Amiot
Coupe présentée à George Taylor, 1827
Le 14 mai 1827 a lieu au pied de la Côte de la Canoterie, dans la basse-ville de Québec, le lancement du Kingfisher, un brick jaugeant 221 tonneaux et muni de 16 canons. Lord Dalhousie, capitaine général et gouverneur en chef du Haut et du Bas-Canada, préside au lancement du navire.
Pour marquer l’occasion, il commande à un maître-orfèvre de la capitale cette coupe d'argent qu'il présente à George Taylor, propriétaire du chantier maritime, remplie de champagne. Ce dernier, tout surpris, dit « qu'il n'échangerait pas la coupe pour le navire ». Celle-ci est demeurée chez ses descendants jusqu'à son entrée dans la collection nationale en 2000.
La réalisation de cette œuvre spectaculaire inaugure un nouveau champ dans la carrière déjà prolifique de l'artiste, Laurent Amiot, et marque la naissance de l'orfèvrerie honorifique au pays.
Regardez la vidéo « Coupe présentée à George Taylor: Laurent Amiot » pour en savoir plus sur cette œuvre d'art.
René Villeneuve
Conservateur associé,
art canadien ancien
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Steve McQueen, image fixe tirée de Once Upon a Time, 2002, séquence de 116 images sur diapositives en couleurs projetées sur écran à l'aide d'un lecteur de disque dur et bande de son intégrée, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa © Steve McQueen, avec l’authorisation de Marian Goodman Gallery et Thomas Dane Gallery
Steve McQueen
image fixe tirée de Once Upon a Time, 2002
En 2005, j’ai fait l’expérience d’une œuvre d’art qui m’a mise au défi comme aucune autre ne l’avait fait auparavant. Alors que j’étais assise seule dans une galerie sombre, j’avais du mal à comprendre la multitude d’images de notre galaxie, de dessins anatomiques, d’unités mathématiques, de gens de différentes cultures, de la flore, de la faune, de l’industrialisation, et ainsi de suite, projetée sur le grand écran devant moi, chacune des images se dissolvant lentement et se transformant en la suivante.
J’allais bientôt découvrir que cette œuvre, intitulée Once Upon a Time [Il était une fois] (2002), était de l’artiste et réalisateur britannique Steve McQueen. Ce dernier s’est inspiré du disque d’or de Voyager embarqué à bord des sondes spatiales Voyager 1 et 2, lancées en 1977. Elles devaient servir de bouteilles à la mer pour transmettre aux extraterrestres de l’information sur notre monde. À cet instant, j’ai compris que mon expérience était celle d’un extraterrestre.
McQueen s’est approprié les 116 images d’archives qui touchent aux principaux thèmes de l’existence humaine, culminant avec la représentation d’un violon et d’une partition, pour démontrer que les humains sont une espèce créative avancée qui s’exprime à travers l’art.
Pour Once Upon a Time, l’artiste n’a pas modifié les images, mais a remplacé la trame sonore originale de sons naturels, du violon, et de salutations vocales par l’enregistrement de gens « parlant en langues ». Ce phénomène, aussi connu sous le nom de « glossolalie », est un langage indéchiffrable souvent associé à l’extase mystique lorsque des êtres humains émettent des sons inconsciemment alors qu’ils sont dans un état de conscience altéré, et que l’on retrouve dans plusieurs cultures.
D’après McQueen, « les images sur le disque d’or portent sur toute notre soi-disant connaissance… Tout dépend de ce que nous savons apparemment… Avec le son, tout tourne autour de ce que nous ne savons pas, c’est-à-dire rien… En réunissant les deux ensembles, il manque quelque chose. Bien que les images se situent en 1977, elles ont quelque chose à voir avec le passé, le présent, et l’avenir… Nous ne vivons pas dans le passé, nous ne vivons pas dans le futur; nous vivons entre les deux… Ce qui m’intéresse, c’est cet entre-deux. »
Pendant que nous expérimentons Once Upon a Time, les omissions importantes de la maladie, de la guerre, de la religion, de la pauvreté et des conflits deviennent de plus en plus apparentes. Dans leur enthousiasme de découvrir d’autres mondes et de communiquer avec eux, le comité de la NASA, présidé par Carl Sagan, a oublié, ou choisit d’oublier, les dimensions négatives des êtres humains. Cela devient ainsi un regard fabriqué, fantastique, voire utopique de la Terre et de ses habitants.

Josée Drouin-Brisebois
Conservatrice principale,
art contemporain
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Osuitok Ipeelee
Morse-esprit, v. 1977
Osuitok Ipeelee avait un incroyable talent pour faire l’impossible avec de la pierre. Utilisant principalement des outils manuels, à partir de pierre Kinngait extraite localement, Osuitok crée une illusion de fluidité qui capte le dynamisme de la femme chaman se transformant en un puissant Morse-esprit.
Connu comme étant un créateur sans repos, Osuitok révéla un jour à l'historienne d'art Dorothy Eber : « J'ai tellement de sculptures en tête que je souhaite réaliser, tellement d'idées et de plans qu’à certains égards, c'est sans espoir. » Morse-esprit est l'un de mes chefs-d'œuvre préférés de la collection nationale, un chef-d’œuvre que j'admire et que j’apprécie pouvoir partager souvent avec les autres.

Christine Lalonde
Conservatrice associée,
art autochtone
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Yinka Shonibare CBE
M. et Mme Andrews sans leur tête, 1998
M. et Mme Andrews sans leur tête (1998) de Yinka Shonibare CBE a toujours été une de mes œuvres préférées; nous l’avons d’ailleurs récemment installée dans l’une des salles d’art contemporain du Musée. J’ai vu cette œuvre très tôt dans ma carrière et je me rappelle d’avoir été totalement émerveillée par cette sculpture qui laisse une forte impression lorsqu’on la voit en personne.
Cette sculpture s’inspire directement de la peinture bien connue de Thomas Gainsborough, M. et Mme Andrews (c. 1750), de la collection de la National Gallery à Londres. Shonibare a repris la scène bidimensionnelle de la peinture et l’a transformée en sculpture grandeur nature, avec les deux personnages, leur chien et un banc. La peinture de Gainsborough représente un couple prospère britannique sur leur vaste domaine. Shonibare remplace les deux modèles par des corps sans tête vêtus de tissus africains imprimés à la cire. Par cette intervention, l’artiste établit un rapport entre le statut des propriétaires terriens dans le portrait original et les réseaux d’exploitation et d’échanges coloniaux. Le tissu imprimé à la cire dispose d’une longue histoire complexe qui reflète les réseaux commerciaux, les influences interculturelles et même les réseaux internationaux actuels de production et de distribution des textiles.

Nicole Burisch
Conservatrice adjointe,
art contemporain
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John Smart
Anna Maria Smart, fille de l’artiste, 1785
John Smart a été l’un des plus talentueux peintres de portraits miniatures, une forme d’art complexe. Il s’agit de la première de ses œuvres à entrer dans la collection nationale.
Les portraits miniatures sont parmi les œuvres d’art les plus intimes, destinées à être tenues et examinées de près. Ils nous renseignent sur la vie et les espoirs de leurs modèles. En 1785, Smart et sa fille de 19 ans, Anna Maria, quittent Londres et prennent la mer pour Chennai, en Inde, où ils vécurent pendant une dizaine d’années. Ce miniature date des premiers mois après leur arrivée, peut-être réalisé pour le prétendant d’Anna Maria qu’elle devait épouser l’année suivante. L’œuvre est restée propriété de ses descendants jusqu’à ce qu’ils en fassent don au Musée en 2019. C’est la première œuvre de Smart à entrer dans notre collection.
Voulez-vous en apprendre davantage sur les portraits miniatures? Voici quelques questions communes et leurs réponses au sujet de ces précieux objets.
En quoi consistent les portraits miniatures ?
Les portraits miniatures sont des souvenirs intimes de conjoints, de membres de la famille, d’amis ou d’amoureux. Ils étaient commandés comme objets-souvenirs de modèles éloignés ou pour souligner un événement personnel, comme un mariage. Ils étaient portatifs, parfois même portés comme bijoux, et ne dépassaient pas 8 cm de hauteur, environ la taille d’une carte de crédit!
Qu’est-ce qui rend la peinture de miniatures aussi exigeante ?
Sa petite taille à elle seule la rend difficile à peindre ; cet exemplaire n’a que 3 cm de hauteur (à peine plus grand qu’une pièce de deux dollars!) Imaginez la maîtrise et la précision requises pour travailler à une telle échelle, où chaque petit mouvement du minuscule pinceau est un défi. De plus, l’aquarelle peut être difficile à manipuler et le support en ivoire pose également problème. Malgré cela, les artistes de talent arrivaient à créer des œuvres lumineuses, subtiles et délicates.
Vous en voulez plus? Faites-vous alors plaisir en lisant l’article du Magazine MBAC au sujet de cette oeuvre.
Christopher Etheridge, Ph. D.
Conservateur associé,
art européen et américain
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David B. Milne
Fenêtre sur la rue Principale, novembre-décembre 1940
Comme plusieurs artistes avant lui, et qui l’ont suivi, David Milne dessinait souvent des scènes encadrées d’une fenêtre. C’était une façon pratique de structurer ses compositions. Ici, les carreaux de verre séparent sa vue de la rue, plus bas, tel que la voyait Milne du haut de son studio au 3e étage sur la rue Brock Ouest, à Uxbridge, en Ontario.
Un soir, peu de temps après avoir loué son studio, sa femme Kathleen apporta un pique-nique pour le souper, que les deux mangèrent assis sur des boîtes, leur nourriture étalée sur des pages de journaux; il écrivit plus tard dans son journal "J’ai vu deux sujets de peinture, dont un de la fenêtre.
Bien qu’il ait vécu à New York de 1903 à 1916, et visité l’Angleterre, la France, et la Belgique après la Première Guerre mondiale, la vue changeante qu’il avait de sa fenêtre offrait à Milne des sujets aussi captivants que ceux de ses voyages.

Adam Welch, Ph. D.
Conservateur associé,
art canadien
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Bartolomé Esteban Murillo
Abraham et les trois anges, v. 1670-1674
Abraham et les trois anges fait partie d’une série de peintures de Murillo vues à l’hôpital de la Charité à Séville à l’époque de la peste noire qui illustrent des actes de miséricorde.
La scène biblique représente la charité d’abriter des étrangers dans le besoin. Un Abraham agenouillé supplie trois anges d’accepter son hospitalité, car ils lui apparaissent comme de modestes voyageurs au bord de la route. Les anges sont venus annoncer qu’Isaac, le fils tant attendu, naîtra miraculeusement d’Abraham et de sa femme Sarah, tous deux âgés de plus de 90 ans !
Il peut être difficile pour les spectateurs modernes de ressentir la puissance émotionnelle d’œuvres d’art religieuses créées à une autre époque. Mais dans un monde en confinement où des travailleurs héroïques nous protègent en première ligne, il est plus facile de voir le tableau de Murillo comme un rappel de notre humanité commune et de notre devoir d’agir en conséquence.

Erika Dolphin
Conservatrice associée,
Art européen et américain
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Richard Wilson
Rome vue de la Villa Madama, v. 1765
En avant-plan, un artiste dessine la vue qui balaie le paysage de la Villa Madama abritée dans la colline à droite, à travers la ville, jusqu’aux lointaines montagnes. Dans l’Europe du 18e siècle, Rome était le centre de l’imagination – célèbre pour son histoire ancienne, ses monuments et son art. Pourtant, alors que l’on peut voir chaque tour et chaque dôme des immeubles de la ville, ces sommets apparaissent au loin, insignifiants. Le plus grand monument, l’église Saint-Pierre, est invisible, caché derrière la colline, à droite. Richard Wilson s’intéresse plutôt à l’expérience d’être là, à l’ambiance, au lieu. Nous ressentons la lumière chaude du soleil de l’après-midi, la chaleur, le poids de l’air.
Wilson vécut en Italie pendant six ans avant de retourner en Angleterre, où il peignit ce tableau, copiant une peinture qu’il avait réalisée à Rome auparavant. Ses collègues artistes estimaient son travail, mais sa carrière prit fin dans l’échec, son œuvre ignorée des collectionneurs. La génération d’artistes britanniques suivante vit dans l’existence de Wilson l’histoire d’un génie trahi. Un génie qui avait néanmoins revitalisé la peinture du paysage en Angleterre.

Christopher Etheridge, Ph. D.
Conservateur associé,
art européen et américain
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Vincenzo Camuccini, L’invention de la peinture, v. 1816-1820, pierre noire et craie brune avec estompe sur papier vergé, 61.2 x 53.3 cm, acheté en 2014 grâce à l'appui des Amis du Cabinet des estampes de la Fondation du Musée des beaux-arts du Canada, en l'honneur de Mimi Cazort, Conservatrice des estampes et dessins de 1970 à 1997, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo: MBAC
Vincenzo Camuccini
L’invention de la peinture, v. 1816-1820
Vous êtes-vous déjà demandé comment et pourquoi l’art du dessin a été inventé ? L’auteur de la Rome antique Pline l’Ancien rappelle que Cora de Sicyone, voulant un souvenir de son proche ami avant qu’il ne parte, se mit à tracer sur un mur son ombre qui s’y projetait.
Traditionnellement, ce mythe relate l’origine de la peinture, mais ici, dans cette grande composition très achevée et exécutée, sur papier, entièrement à la craie noire, l’artiste italien néo-classique Vincenzo Camuccini célèbre subtilement et élégamment l’art du dessin.
Soyez comme Cora, sortez vos crayons et vos craies et dessinez vos proches (mais peut-être pas sur vos murs) en pratiquant la distanciation sociale

Sonia Del Re, Ph. D.
Conservatrice principale,
dessins et estampes
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Curator's Choice from Sonia Del Re

Vincenzo Camuccini, L’invention de la peinture, v. 1816-1820, pierre noire et craie brune avec estompe sur papier vergé, 61.2 x 53.3 cm, acheté en 2014 grâce à l'appui des Amis du Cabinet des estampes de la Fondation du Musée des beaux-arts du Canada, en l'honneur de Mimi Cazort, Conservatrice des estampes et dessins de 1970 à 1997, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo: MBAC
Vincenzo Camuccini
L’invention de la peinture, v. 1816-1820
Vous êtes-vous déjà demandé comment et pourquoi l’art du dessin a été inventé ? L’auteur de la Rome antique Pline l’Ancien rappelle que Cora de Sicyone, voulant un souvenir de son proche ami avant qu’il ne parte, se mit à tracer sur un mur son ombre qui s’y projetait.
Traditionnellement, ce mythe relate l’origine de la peinture, mais ici, dans cette grande composition très achevée et exécutée, sur papier, entièrement à la craie noire, l’artiste italien néo-classique Vincenzo Camuccini célèbre subtilement et élégamment l’art du dessin.
Soyez comme Cora, sortez vos crayons et vos craies et dessinez vos proches (mais peut-être pas sur vos murs) en pratiquant la distanciation sociale

Sonia Del Re, Ph. D.
Conservatrice principale,
dessins et estampes
Le choix des conservateurs : Christopher Etheridge

Richard Wilson, Rome vue de la Villa Madama, v. 1765, huile sur toile, 100,3 x 135,5 cm. Acheté en 1948, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo : MBAC
Richard Wilson
Rome vue de la Villa Madama, v. 1765
En avant-plan, un artiste dessine la vue qui balaie le paysage de la Villa Madama abritée dans la colline à droite, à travers la ville, jusqu’aux lointaines montagnes. Dans l’Europe du 18e siècle, Rome était le centre de l’imagination – célèbre pour son histoire ancienne, ses monuments et son art. Pourtant, alors que l’on peut voir chaque tour et chaque dôme des immeubles de la ville, ces sommets apparaissent au loin, insignifiants. Le plus grand monument, l’église Saint-Pierre, est invisible, caché derrière la colline, à droite. Richard Wilson s’intéresse plutôt à l’expérience d’être là, à l’ambiance, au lieu. Nous ressentons la lumière chaude du soleil de l’après-midi, la chaleur, le poids de l’air.
Wilson vécut en Italie pendant six ans avant de retourner en Angleterre, où il peignit ce tableau, copiant une peinture qu’il avait réalisée à Rome auparavant. Ses collègues artistes estimaient son travail, mais sa carrière prit fin dans l’échec, son œuvre ignorée des collectionneurs. La génération d’artistes britanniques suivante vit dans l’existence de Wilson l’histoire d’un génie trahi. Un génie qui avait néanmoins revitalisé la peinture du paysage en Angleterre.

Christopher Etheridge, Ph. D.
Conservateur associé,
art européen et américain
Le choix des conservateurs : Adam Welch

David B. Milne, Fenêtre sur la rue Principale, novembre-décembre 1940, aquarelle sur mine de plomb sur papier vélin, 37,9 x 50,8 cm. Don de la Collection Douglas M. Duncan, 1970. Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo: MBAC
David B. Milne
Fenêtre sur la rue Principale, novembre-décembre 1940
Comme plusieurs artistes avant lui, et qui l’ont suivi, David Milne dessinait souvent des scènes encadrées d’une fenêtre. C’était une façon pratique de structurer ses compositions. Ici, les carreaux de verre séparent sa vue de la rue, plus bas, tel que la voyait Milne du haut de son studio au 3e étage sur la rue Brock Ouest, à Uxbridge, en Ontario.
Un soir, peu de temps après avoir loué son studio, sa femme Kathleen apporta un pique-nique pour le souper, que les deux mangèrent assis sur des boîtes, leur nourriture étalée sur des pages de journaux; il écrivit plus tard dans son journal "J’ai vu deux sujets de peinture, dont un de la fenêtre.
Bien qu’il ait vécu à New York de 1903 à 1916, et visité l’Angleterre, la France, et la Belgique après la Première Guerre mondiale, la vue changeante qu’il avait de sa fenêtre offrait à Milne des sujets aussi captivants que ceux de ses voyages.

Adam Welch, Ph. D.
Conservateur associé,
art canadien