Bulles de savon : premiers portraits en plein air

Hermann Carl Eduard Biewend, Mathilde et Luise Biewend soufflant des bulles de savon dans le jardin du docteur Pfund, à Saint-Georg, 19 juin 1855

Hermann Carl Eduard Biewend, Mathilde et Luise Biewend soufflant des bulles de savon dans le jardin du docteur Pfund, à Saint-Georg, 19 juin 1855, daguerréotype, 8 x 7,1 cm, Don de Phyllis Lambert Montréal, 1988, Musée national des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo: MBAC

 

Dans les débuts de la photographie, le temps d'exposition pour réaliser un daguerréotype était très long – entre cinq à vingt minutes. Les portraits étaient donc le plus souvent exécutés en studio sous des conditions contrôlées et plutôt formelles. Le photographe priait son sujet de prendre une pose assis ou debout et utilisait un serre-tête pour s’assurer que le visage reste immobile.

Avec le temps, les recherches techniques ont permis d’augmenter la rapidité des lentilles et la sensibilité des plaques photographiques. Toutefois, les commandes de portraits réalisées en intérieur demeurent l’activité principale des daguerréotypistes. La pratique du portrait en plein air est peu commune, car elle comporte des défis tels que le transport du matériel, les conditions d’éclairage et les variations de température. Malgré cela, Hermann Carl Eduard Biewend (1814−1888) s’intéressa beaucoup à représenter ses sujets en extérieur.

ermann Carl Eduard Biewend, Moi-même avec la petite Luise dans le jardin du docteur Pfund, à Hambourg, juillet 1855

Hermann Carl Eduard Biewend, Moi-même avec la petite Luise dans le jardin du docteur Pfund, à Hambourg, juillet 1855, daguerréotype, 10,6 x 9 cm, Don de Phyllis Lambert, Montréal, 1988, Musée national des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo: MBAC

 

Spécialiste en métallurgie et maître de la Monnaie à la Banque de Hambourg (1843–1876), Biewend devient daguerréotypiste amateur en 1846. À cette époque, plusieurs scientifiques s’adonnent à la photographie pour expérimenter avec les procédés et en repousser les limites techniques. Ils y voient aussi un excellent outil de documentation pour la science. 

Biewend est l’un des rares daguerréotypistes allemands à avoir réalisé des paysages et des vues architecturales aussi bien que des portraits. Il aimait photographier les membres de sa famille en plein air, dans des poses décontractées et pleines de tendresse. Mathilde et Luise Biewend soufflant des bulles de savon dans le jardin du docteur Pfund, à Saint-Georg, montre ses deux enfants qui soufflent des bulles dans un jardin situé à la périphérie d’Hambourg.

Cette scène rappelle un type de portrait en peinture nommé le « tableau de conversation ». Populaire aux XVIIIe et XIXe siècles, particulièrement en Angleterre, le tableau de conversation représentait un couple, des amis ou des membres de la famille regroupés autour d’une activité familière ou intime, par exemple une conversation, un jeu de cartes, une séance de lecture ou une performance musicale. Le décor privilégié était la scène d’intérieur, même si cela évolua pour inclure les environnements extérieurs, tels que les jardins et les parcs. 

Hermann Carl Eduard Biewend, Helene et son amie Emilie Fromke dans le jardin, 1846

Hermann Carl Eduard Biewend, Helene et son amie Emilie Fromke dans le jardin, 1846, daguerréotype, 8,1 x 6,9 cm, Don de Phyllis Lambert, Montréal, 1988, Musée national des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo: MBAC

 

Le portrait de Mathilde et Luise s’inscrit dans cette tradition, mais avec l’ajout d’une vitalité qui contraste avec les compositions idéalisées des tableaux de l’époque. Biewend laisse libre cours au flou « accidentel » créé par le mouvement de ses enfants. Ce côté spontané surprend aussi dans le champ des daguerréotypes, car la longueur du temps d'exposition occasionnait souvent des postures rigides. Cette contrainte rendait plus difficile la représentation de personnes ou d’objets en mouvement.

Si l’on regarde de plus près le portrait de Mathilde et Luise, on remarque d’ailleurs qu’aucune bulle de savon n’apparaît sur la photographie. Le titre de l’image se révèle alors essentiel, puisqu’en faisant référence à l’action, il nous permet de les imaginer flottant dans les airs!

 

Pour vous laisser charmer par d’autres bulles de savon en photographie, découvrez ces œuvres faisant aussi partie de la collection du Musée national des beaux-arts du Canada :

Chris Lund, Québec (petit garçon soufflant des bulles de savon de la fenêtre de l’immeuble où il habite à Québec), 1954 (tiré en 1982)

Chris Lund, Québec (petit garçon soufflant des bulles de savon de la fenêtre de l’immeuble où il habite à Québec), 1954 (tiré en 1982), épreuve à la gélatine argentique, 35,7 x 27,7 cm, Collection MCPC, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo : MBAC

Michael Semak, Enfants en imperméables faisant des bulles, Paris, France, 1967

Michael Semak, Enfants en imperméables faisant des bulles, Paris, France, 1967, épreuve à la gélatine argentique, 25 x 35,3 cm, Collection MCPC, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo : MBAC © Michael Semak, Droits d’auteur Arts visuels-CARCC, 2020

 

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