Sur la piste : Festival de photographie CONTACT (partie 1)

Je reviens du Festival de photographie CONTACT Banque Scotia, un événement majeur en photographie qui a lieu chaque année à Toronto. La programmation comprend trente-huit expositions principales et une soixantaine d’expositions affiliées réparties à travers la ville. C’est l’occasion idéale de faire le plein d’inspiration et de prendre le pouls des pratiques actuelles en photographie.

Pour cette édition, l’équipe du festival a choisi de mettre l’accent sur le travail de l’artiste américaine Carrie Mae Weems, dont la pratique porte sur les façons dont la violence se perpétue à travers l’histoire, notamment à l’égard des femmes et des personnes racisées.

 

A - Art Museum de l’Université de Toronto >>> Carrie Mae Weems

Carrie Mae Weems, Heave: Part I – A Case Study (A Quiet Place), 2018

Carrie Mae Weems, Heave: Part I – A Case Study (A Quiet Place) [Soulèvement : partie 1 – un cas d’étude (un lieu calme)], 2018, vue de l’installation à la Cornell University, automne 2018. Permission de l’artiste et de la Jack Shainman Gallery, New York

Arrivée au centre-ville, je mets le cap sur une première exposition de Weems à l’Art Museum de l’Université de Toronto. Constructing History: A Requiem to Mark the Moment (2008) comprend un ensemble d’œuvres où l’artiste collabore avec des étudiants pour recréer des moments importants de l’histoire politique, dont les assassinats de Martin Luther King Jr., John F. Kennedy et Malcolm X.

Dans l’installation Heave Part I – A Case Study (A Quiet Place) (2018), Weems reconstitue l’intérieur d’une maison américaine dans laquelle elle place des objets décoratifs, photographies, magazines, vinyles et livres qui reflètent son histoire personnelle et celle des violences systémiques aux États-Unis.

Présentée dans une salle adjacente, Heave Part II (2018) prend l’apparence d’une salle de cinéma où est projetée une série de vidéos qui portent sur les origines de la violence dans le même pays, révélant des liens avec la culture du divertissement. En plus de poser des questions cruciales sur nos sociétés, la pratique hybride de Weems permet de repenser la photographie en relation avec d’autres formes d’art comme l’installation, la vidéo ou le théâtre.  

 

B - John H. Daniels Faculty of Architecture, Landscape, and Design >>> Susan Dobson

Susan Dobson, Back/Fill (détail), 2019

Susan Dobson, Back/Fill [Remblayage] (détail), 2019. © Susan Dobson (Avec l'autorisation de Copyright Visual Arts-CARCC, 2019)

Toujours sur le campus de l’Université de Toronto, je me rends à la John H. Daniels Faculty of Architecture, Landscape, and Design où l’artiste Susan Dobson présente son nouveau projet Back/Fill (2019). Dans le hall du bâtiment se trouvent des vues rapprochées de débris de construction provenant du Leslie Street Spit situé dans le parc Tommy Thompson à Toronto. Ces images sont exposées sur des panneaux de bois de manière à révéler la structure de l’installation.

Une vue plus large sur le site est reproduite dans la baie vitrée à l’extérieur du bâtiment. Sur la masse des matériaux pousse une petite plante verte qui rappelle les parois végétalisées bordant le pavillon. Un dialogue s’installe alors entre la photographie, l’environnement bâti et sa vocation de faculté d’architecture, de paysage et de design.

 

C - Ryerson Image Centre >>> Meryl McMaster

Meryl McMaster, On The Edge of This Immensity, 2019

Meryl McMaster, On The Edge of This Immensity [Sur le bord de cette immensité], de la série As Immense as the Sky [Aussi immense que le ciel], 2019. Permission de l’artiste, de la Stephen Bulger Gallery et de Pierre-François Ouellette art contemporain

Dans une des salles du Ryerson Image Centre, j’apprécie As Immense as the Sky (2019) de Meryl McMaster, une série d’autoportraits où l’artiste incarne des personnages dans des paysages d’une beauté saisissante à travers le Canada. Pour fabriquer ses costumes et accessoires, elle s’inspire des histoires et cultures de ses ancêtres autochtones et européens.

De la Saskatchewan à Terre-Neuve en passant par l’Ontario, les lieux qu’elle choisit d’explorer sont chargés de savoirs anciens. Ils lui permettent de se reconnecter à la mémoire de ses ancêtres au moment où plane sur le monde une menace environnementale. En découlent des images suspendues hors du temps, entre le réel et le surréel, d’où se dégagent une forte présence et une volonté manifeste d’entrer en relation avec le territoire. 

 

D - Gallery TPW >>> Erika DeFreitas

Erika DeFreitas, She may be moved and they multiplied most in exaggeration (No.1), 2018

Erika DeFreitas, She may be moved and they multiplied most in exaggeration (No.1) [Elle peut être déplacée et ils se sont multipliés pour l’essentiel dans l’exagération (No. 1)], 2018. Permission de l’artiste

Je découvre à la Gallery TPW l’exposition d’Erika DeFreitas intitulée It is now here that I have gathered and measured yes. Intéressée par la photographie occulte du XIXe et du début du XXe siècle, l’artiste explore des techniques qui rappellent le rôle qu’a joué la photographie pour documenter et démystifier le mouvement spiritualiste.

Lors d’une résidence d’artiste à l’Hospitalfield House en Écosse, elle expérimente la psychométrie qui consiste à capter des informations sur un objet par le toucher. Motivée par le besoin de comprendre le lieu et son histoire, elle rassemble des objets qui l’interpellent : pierres précieuses, bijou, fragments d’un lustre, figure de plâtre, etc. Elle se laisse guider par leur énergie pour réaliser des arrangements qu’elle photographie en incluant le geste de sa main (She may be moved and they multiplied most in exaggeration, 2018).

 

E - Campbell House Museum >>> Ayana V. Jackson

Ayana V. Jackson, Saffronia, de la série Intimate Justice in the Stolen Moment, 2017

Ayana V. Jackson, Saffronia, de la série Intimate Justice in the Stolen Moment [Justice intime dans le moment volé], 2017. Permission de l’artiste et de la Galerie Baudoin Lebon

J’entre avec curiosité dans le Campbell House Museum, une maison de type colonial enclavée dans le centre-ville de Toronto. L’exposition Fissure présente des œuvres de l’artiste Ayana V. Jackson, intégrées au décor de la maison sur deux étages. Jackson met en scène son propre corps pour réaliser des portraits qui font allusion à l’histoire de l’esclavage. Leur présence dans une maison datant de 1822 active la mémoire du lieu et rappelle la participation du Canada dans le commerce transatlantique des esclaves (Intimate Justice in the Stolen Moment, 2017).

Au deuxième étage, la série Dear Sarah (2016) est inspirée de l’histoire de Sarah Forbes Bonetta, une princesse yoruba capturée en 1848 par le roi Ghezo du Dahomey et offerte à la reine Victoria de la part du capitaine Frederick Forbes. Jackson lui rend hommage par des portraits qui remettent en question la représentation stéréotypée de la femme noire à cette époque. Imprimée sur des tissus qui descendent du plafond, chacune des images montre une facette du corps en mouvement et suggère un élan de libération.  

 

Pour en savoir plus sur la programmation du festival, visitez le site Internet du Festival de photographie CONTACT Banque Scotia.  ​

Cliquez ici pour lire un deuxième article sur le festival : Sur la piste : Festival de photographie CONTACT (partie 2)

 

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